6 Février 2025 : Journée internationale de tolérance zéro à l’égard de la mutilation génitale féminine

Traduit par Hind Raad Gathwan / GICJ

Traduit par Hind Raad Gathwan/GICJ

“J’avais seulement 10 ou 11 ans lorsque mon père a décidé de me faire exciser. Je devais devenir la cinquième épouse d’un homme de 70 ans.”

Une survivante de la mutilation génitale féminine (MGF) au Kenya a témoigné lors de la session inaugurale de la 62ᵉ réunion de la Commission des Nations Unies (ONU) sur l’égalité des sexes et la santé des femmes. Bien que de nombreuses filles parviennent à échapper à cette réalité tragique, beaucoup d’autres continuent d’en être victimes, en particulier les jeunes filles.

Mutilation génitale féminine : concept et prévalence

La MGF est une pratique traditionnelle consistant à couper ou à enlever par incision la partie externe des organes génitaux féminins, la vulve, par des méthodes non chirurgicales, généralement pour des raisons socioculturelles plutôt que médicales. En langage courant, elle est également appelée circoncision féminine. La MGF est une pratique nuisible qui a des effets fatals sur la santé des femmes et leurs droits. Célébrée chaque année le 6 Février, la Journée internationale de tolérance zéro à l’égard de la MGF offre une occasion aux gouvernements, organisations de la société civile, militants et autres parties prenantes non seulement de célébrer les progrès réalisés jusqu’à présent, mais aussi de se réengager dans des discussions significatives pour lutter contre ce problème et sensibiliser.

La MGF est une pratique répandue dans de nombreuses cultures – plus de 230 millions de filles et de femmes ont été excisées dans le monde, selon les dernières statistiques. L’Afrique représente la majorité de ce chiffre, avec plus de 144 millions, l’Asie arrive en deuxième position avec plus de 80 millions, suivie par le Moyen-Orient avec encore 6 millions. De plus, entre 1 et 2 millions de personnes sont affectées dans de petits groupes pratiquants et dans les pays de destination pour la migration dans le monde entier. Cependant, de nouvelles estimations mondiales indiquent une augmentation de 15 % du nombre total de survivantes de la MGF par rapport aux données publiées en 2016, ce qui montre que le rythme des efforts pour mettre fin à la MGF est constant mais progressif.

Thème pour 2025 : Renforcer la coopération internationale

Le thème de la Journée internationale de tolérance zéro à l’égard de la MGF de cette année est intitulé « Accélérer le rythme : Renforcer les alliances et construire des mouvements pour mettre fin à la MGF ». Ce thème met l’accent sur la nécessité de la collaboration et du travail d’équipe. Il appelle à l’action des communautés, des survivantes, des jeunes, des hommes, des femmes, des filles, des garçons ainsi que des secteurs gouvernementaux et non gouvernementaux. Ensemble, ces acteurs divers créent un mouvement mondial unifié visant à éradiquer les coutumes néfastes et à garantir un avenir sans MGF.

Implications, causes et tendances actuelles : Pourquoi la pratique de la MGF continue-t-elle encore aujourd’hui ?

La MGF entraîne de graves complications sous-jacentes. Elle peut provoquer des saignements excessifs, des douleurs sévères lors des rapports sexuels, des infections vaginales, un risque accru lors de l’accouchement et des traumatismes psychologiques. La croyance fondamentale de cette pratique repose sur l’idée de contrôler la femme dans la société, enracinée dans la préservation d’une structure patriarcale. Parmi les facteurs courants qui justifient la poursuite de cette pratique figurent la conviction au sein de la communauté que cela constitue une exigence religieuse, prépare une fille à l’âge adulte, est une norme conventionnelle nécessaire et est souvent associé à des idées de féminité et de féminité fondées sur l’idée que les hommes ne se marieront qu’avec des femmes excisées.

D’autres facteurs contribuant à cette pratique sont des idées médicalement infondées sur l’« hygiène », la volonté de garantir la fidélité conjugale en restreignant le désir sexuel et même la croyance selon laquelle cela augmenterait le plaisir sexuel masculin. De plus, dans certains cas, ce sont les filles elles-mêmes qui souhaitent subir cette procédure en raison de la pression des pairs et de la crainte d’être rejetées par la société.

Des rapports récents compilés par le Bureau des droits de l’homme de l’ONU avertissent qu’une tendance actuelle de MGF transnationale et transfrontalière sape les efforts mondiaux déployés pour lutter contre ce problème. Ce problème est également évoqué dans le thème de cette année. Cela se produit lorsque des filles sont emmenées de lieux où la MGF est interdite vers des endroits où elle est encore pratiquée pour y subir l’opération. En partie en raison de la nature discrète de la MGF transfrontalière et transnationale, cette pratique persiste dans le monde entier malgré les efforts déployés par de nombreux États pour y mettre fin. Cela est particulièrement répandu en Afrique - notamment au Kenya, en Éthiopie, en Somalie et en Ouganda - et dans l’Union européenne ,4

Action de l’ONU

La campagne pour mettre fin à la MGF est associée à trois Objectifs de Développement Durable (« ODD »), les ODD 3, 4 et 5, qui visent à atteindre la bonne santé et le bien-être, une éducation de qualité et l’égalité des sexes d’ici 2030. L’objectif est de renforcer la lutte contre la MGF en assurant la sensibilisation, en autonomisant les femmes et en préservant leur santé ainsi que leurs droits humains.

Depuis 2008, les Nations Unies dirigent la plus grande campagne mondiale contre la mutilation génitale féminine en collaboration avec l’UNICEF et le FNUAP. Opérant dans 17 pays, le Programme conjoint pour l’élimination de la mutilation génitale féminine soutient plus de 11,000 organisations et mouvements communautaires dirigés par des survivantes qui militent pour des changements de normes sociales et des réformes légales. Bien qu’il y ait eu des améliorations, le taux actuel de réduction doit être multiplié par 27 pour atteindre l’objectif de 2030 visant à mettre fin à la mutilation génitale féminine.

Le rapport de l’ONU 2024 souligne la nécessité d’efforts régionaux et internationaux pour éradiquer la MGF transfrontalière et transnationale en allouant des ressources pour rédiger et mettre en œuvre des cadres politiques nationaux et des accords de coopération transfrontalière.5

Position du GICJ

Geneva Centre for International Justice (GICJ) critique fermement la pratique de la MGF, car elle viole les droits humains des filles et des femmes à la santé, à l’intégrité physique et au droit à la liberté de toutes formes de discrimination. Nous reconnaissons la nécessité d’un changement positif dans les cultures normatives en engageant l’éducation des communautés et en renforçant les systèmes nationaux et internationaux pour abolir la MGF et soutenir les survivantes. Nous exhortons la communauté internationale et toutes les parties prenantes concernées à intensifier leurs interventions en investissant de manière substantielle et en renforçant les collaborations pour éradiquer efficacement cette pratique.

 

[1] https://www.who.int/teams/sexual-and-reproductive-health-and-research-(srh)/areas-of-work/female-genital-mutilation/types-of-female-genital-mutilation. 

[2] https://data.unicef.org/resources/female-genital-mutilation-a-global-concern-2024/.

[3] https://www.unicef.org/press-releases/over-230-million-girls-and-women-alive-today-have-been-subjected-female-genital.

[4] Beyond the crossing: Female Genital Mutilation Across Borders, Ethiopia, Kenya, Somalia, Tanzania and Uganda. United Nations Population Fund, New York, 2019. Available at https://www.unfpa.org/publications/beyond-crossing-female-genital-mutilation-across-borders

[5] Report of the Fifty-Sixth Session of the Office of the United Nations High Commissioner for Human Rights on Cross-Border and Transnational Female Genital Mutilation (A/HRC/56/29). 

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