La Persécution Systématique des Femmes Baha’ies en Iran : Un Crime Contre l’Humanité
Traduit par Hind Raad Gathwan/GICJ
Résumé Exécutif
Depuis la Révolution iranienne de 1979, la République islamique d’Iran persécute systématiquement la communauté baha’ie, animée par une hostilité religieuse. Au fil des décennies, les autorités iraniennes auraient exécuté et fait disparaître de force des centaines de baha’is, y compris des dirigeants religieux et communautaires de premier plan. Cette oppression ciblée est légitimée par la politique d’État, le gouvernement et les autorités judiciaires désignant officiellement la foi baha’ie comme une secte déviante, justifiant ainsi une discrimination juridique et sociale sévère.
Les preuves documentées révèlent que les femmes appartenant à cette minorité sont particulièrement visées en raison de l’intersection entre discrimination religieuse et de genre. Elles sont victimes de détention arbitraire, d’emprisonnement, de discrimination dans l’éducation et l’emploi. Les autorités iraniennes ont institutionnalisé cette répression religieuse à travers des politiques officielles, garantissant ainsi que les femmes baha’ies subissent une marginalisation sociale, politique et économique.1
En dépit des condamnations internationales, l’Iran continue de mener des attaques systématiques et généralisées contre les femmes baha’ies, en faisant l’un des cas les plus flagrants et persistants de persécution religieuse à l’ère moderne.
Ciblage Disproportionné des Femmes
Le 31 Juillet 2024, une équipe de rapporteurs spéciaux indépendants des Nations Unies (IRN 14/2024) a soumis un témoignage au Conseil des droits de l’homme et au gouvernement iranien, exprimant leur inquiétude face à l’augmentation des persécutions genrées et des violations révoltantes des libertés civiles, économiques et politiques des femmes baha’ies, qui appartiennent à la plus grande religion non musulmane d’Iran.2
Les femmes baha’ies représentent les deux tiers de l’ensemble des prisonniers politiques en Iran, illustrant ainsi la nature genrée et disproportionnée de cette persécution. Rien qu’entre Mars et Juillet 2024, sur les 93 baha’is convoqués devant les tribunaux ou emprisonnés, 72 étaient des femmes.
La persécution des femmes baha’ies est particulièrement insidieuse, car elles subissent de multiples formes croisées d’oppression sanctionnées par l’État. Elles sont persécutées en raison de leur foi, criminalisées pour leur appartenance déclarée au bahaïsme, et subissent une répression genrée les exposant à des sanctions légales plus sévères. De plus, elles souffrent d’une marginalisation économique qui les plonge dans la précarité financière et les exclut d’une participation équitable à la vie publique.
4-Image - Fournie par la Communauté internationale baha’ie via les Nations Unies (Société civile)
Arrestations et Emprisonnements Arbitraires
Le gouvernement iranien arrête et emprisonne régulièrement des femmes baha’ies sous des accusations fabriquées de toutes pièces. Les autorités justifient de manière ambiguë ces poursuites illégales en prétendant que les femmes baha’ies commettent des crimes contre la sécurité nationale, tels que la « propagande contre l’État », alors qu’en réalité, elles ne font qu’exercer leur droit à la liberté religieuse.
Le 20 Avril 2024, une convocation a été adressée à 15 femmes baha’ies, les appelant à comparaître devant le tribunal révolutionnaire d’Ispahan pour répondre à des accusations infondées de « propagande contre l’Iran » et de « participation à des activités de prédication et d’enseignement déviantes contraires à la sainte charia de l’Islam » (en vertu de l’article 500 bis du Code pénal islamique). Les rapporteurs spéciaux des Nations Unies rapportent que ces femmes ont été ciblées à la suite de campagnes de coercition orchestrées, au cours desquelles leurs voisins et connaissances ont été contraints de fournir de faux témoignages contre elles.
Il a également été révélé que dix femmes baha’ies d’Ispahan ont été condamnées à un total de 90 ans de prison. En plus de cette peine, elles ont été condamnées à des amendes, interdites de voyage et ont vu leurs biens personnels et familiaux confisqués de manière permanente après avoir été arrêtées arbitrairement et torturées dans la prison de Dolat Abad.
Dans la province de Khorasan Razavi, le 21 Octobre 2023, Mme Nasim Sabeti, Mme Roya Ghane Ezzabadi et Mme Soheila Ahmadi ont été condamnées à 3 ans et 8 mois de prison pour l’accusation infondée d’« appartenance à un groupe ayant l’intention de perturber la sécurité du pays », ainsi qu’à 8 mois de prison pour « propagande contre le régime ».
Ces affaires illustrent la répression hautement organisée menée par l’Iran, où le système judiciaire, les forces de sécurité et le système carcéral coopèrent pour réduire au silence, punir et effacer illégalement la communauté baha’ie.
Exclusion de l’Éducation et de l’Emploi
Le gouvernement iranien prive activement les femmes baha’ies d’accès à l’éducation et aux opportunités professionnelles dans le cadre d’une stratégie plus large visant à légitimer leur effacement de la société.
Un mémorandum confidentiel de 1991, émis par le Conseil suprême de la révolution culturelle iranienne (ISRCC), stipule explicitement que les étudiants baha’is ne peuvent être scolarisés qu’à condition de ne pas s’identifier publiquement comme baha’is. De plus, il leur est légalement interdit d’accéder à un emploi ou à toute « position d’influence » s’ils se déclarent baha’is.3
En conséquence, les femmes baha’ies sont confrontées à une extrême précarité économique, étant empêchées de poursuivre une carrière, d’obtenir des licences commerciales ou d’assurer leur stabilité financière par le biais de l’enseignement supérieur. Cette exclusion délibérée vise à précipiter les baha’is dans la pauvreté, contribuant ainsi à leur isolement et à l’affaiblissement de leur communauté
Violations Juridiques : Crimes Contre l’Humanité
La persécution systématique des femmes baha’ies constitue une violation de plusieurs lois internationales relatives aux droits de l’homme, notamment :
- La Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH) – Les politiques iraniennes contreviennent à l’Article 18, qui garantit la liberté de pensée, de conscience et de religion.
- Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) – Les actions de l’Iran violent les Articles 18, 19 et 27, qui interdisent la discrimination religieuse et la détention arbitraire.
- Le Statut de Rome de la Cour pénale internationale – Ce texte définit la persécution comme une privation intentionnelle et grave des droits fondamentaux en raison de l’identité religieuse.
Conformément à l’Article 7 du Statut de Rome, les crimes contre l’humanité incluent toute attaque généralisée ou systématique contre une population civile. Les actions du gouvernement iranien remplissent ces critères, car cette persécution est sanctionnée par l’État, inscrite dans la législation et constitue une attaque systématique et alarmante contre les femmes baha’ies.
Conclusions et Recommandations pour une Action Internationale
Geneva International Centre for Justice (GICJ) condamne fermement la persécution des femmes baha’ies par les autorités iraniennes et l’instrumentalisation de fausses accusations criminelles visant à les priver de leurs droits fondamentaux en raison de leur identité religieuse.
Les actions du gouvernement iranien constituent une attaque délibérée et calculée contre la liberté religieuse, en violation des normes internationales relatives aux droits de l’homme. Les femmes baha’ies sont soumises à des emprisonnements injustes, à la torture et à une subjugation économique simplement pour leur appartenance à une foi minoritaire. Ces accusations fabriquées servent de prétexte dangereux à la persécution des femmes issues de minorités religieuses, sans fondement factuel ou juridique. Le refus d’accès à l’éducation et les arrestations arbitraires ne sont pas seulement des violations des droits humains fondamentaux, mais aussi des mécanismes institutionnalisés de suppression sociale et économique visant à effacer l’identité baha’ie de la société iranienne.
Compte tenu de l’ampleur et du caractère systématique des attaques contre cette partie de la population iranienne, GICJ reconnaît ces actes de persécution comme des crimes contre l’humanité et appelle la communauté internationale, les organisations de défense des droits de l’homme et les instances des Nations Unies à agir immédiatement. Il est impératif que l’Iran soit tenu responsable de ses violations répétées du droit international et que les femmes baha’ies – ainsi que toutes les minorités religieuses – bénéficient de la protection, de la dignité et de la justice auxquelles elles ont droit selon les principes universels des droits humains.
À la suite des soumissions officielles des rapporteurs spéciaux de l’ONU, GICJ appelle la communauté internationale à soutenir les mécanismes de responsabilité existants, en exhortant les États membres à engager des poursuites judiciaires par le biais de leurs tribunaux nationaux et des instances internationales. Il est crucial de renouveler le mandat de la Mission internationale indépendante d’enquête des Nations Unies sur l’Iran, qui doit disposer des ressources nécessaires pour documenter ces violations des droits humains. Enfin, les autorités judiciaires nationales doivent être encouragées à collecter des preuves, et les pays disposant de lois sur la juridiction universelle devraient compiler des dossiers en vue d’enquêtes structurelles futures sur les crimes perpétrés par l’Iran.
Le moment d’agir est maintenant. La communauté internationale doit exiger justice pour les femmes baha’ies et tenir l’Iran pour responsable de ses crimes contre l’humanité.
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Bibliography
[1] - Special Rapporteur Report AL IRN (14.2024)
[2] - Special Procedures Press Release on Baha’i Women
[3] - 1991 ISRCC Memorandum on the Baha’is of Iran
[4] - Image Source (United Nations): https://www.un.org/en/civil-society/bahai-international-community