Par Teboho Mosebo / GICJ
Traduit par Léa Farge / GICJ
Introduction
L’Afrique fait face à une grave crise alimentaire : il est projeté que 52,7 millions de personnes vont faire face à une famine sévère entre juin et août 2025. La famine représente une menace importante pour les groupes vulnérables, alimentée par des facteurs tels que les conflits, le changement climatique et les répercussions persistantes de la Covid-19.
En Afrique, plus de 1 milliard de personnes n’ont pas accès à une alimentation nutritive et 30% des enfants souffrent d’un retard de croissance à cause de la malnutrition. De plus, il est estimé que 20% des Africains sont insuffisamment nourris. La pandémie du Covid-19 a aggravé cette situation, plongeant des millions de personnes supplémentaires dans la faim et la malnutrition.
Régions les plus affectées par l’insécurité alimentaire
La crise alimentaire a sévèrement touché la Corne de l’Afrique, ainsi que l’Afrique occidentale et centrale. Dans la Corne de l’Afrique, les conflits en cours et l’une des pires sécheresses depuis des décennies ont plongé des millions de personnes dans une famine sévère. Par exemple, en 2023 et en 2024, l’escalade du conflit au Soudan a entraîné 8,6 millions de personnes supplémentaires dans une famine extrême. De plus, 43 millions de personnes en Somalie ont été confrontées à une grave insécurité alimentaire entre octobre et décembre 2023, et des millions d’autres étaient menacées par la famine.
En 2024, en Afrique occidentale et centrale, la saison creuse de juin à août devait plonger environ 55 millions de personnes dans l'insécurité alimentaire, soit une augmentation de quatre millions par rapport à novembre 2023. La situation a été particulièrement grave dans le nord du Mali, où le conflit a exposé environ 2 600 personnes au risque de famine. Le Nigéria, la Mauritanie, le Ghana, la Sierra Leone et le Mali figuraient parmi les pays les plus touchés par la crise alimentaire. Les défis économiques, notamment la dévaluation de la monnaie, la flambée de l’inflation, la stagnation de la production et les barrières commerciales, ont encore intensifié la catastrophe.
Statistiques
Les statistiques révèlent des taux alarmants de malnutrition en Afrique occidentale et centrale. Approximativement 167 millions d’enfants âgés de moins de cinq ans souffrent de malnutrition aiguë, et plus de 2/3 des foyers ont des difficultés pour se procurer une alimentation décente. Il est choquant de constater que huit enfants sur 10 âgés entre 6 et 23 mois ne reçoivent pas les nutriments minimaux nécessaires pour une croissance saine. Les prix élevés des denrées alimentaires, l’accès limité aux soins de santé et la mauvaise alimentation contribuent à la grave malnutrition au sein des populations vulnérables, notamment les enfants de moins de cinq ans et les femmes enceintes. Dans le nord du Nigéria, jusqu’à 31% des femmes de 15 à 49 ans sont touchées par la grave malnutrition.
Le Soudan fait face à une crise humanitaire dévastatrice, avec 24,6 millions de personnes confrontées à une grave insécurité alimentaire et 638 000 à une famine catastrophique. Le conflit en cours a déclenché une conjonction de crises, déstabilisant l’agriculture et la production alimentaire, déplaçant 8,6 millions de personnes à l’intérieur du pays et 4 millions au-delà des frontières, mettant à rude épreuve le système de santé et, enfin, engendrant des dommages économiques significatifs. Cela a in fine conduit à la famine dans cinq régions, cinq autres devant suivre, à une hausse des prix des denrées alimentaires de base de plus de 100 % par rapport au début de l'année 2024, et l’aide humanitaire est entravée tandis que les intervenants sont ciblés.
Le coût humain
L'Afrique occidentale et centrale est confrontée à une grave crise humanitaire, exacerbée par les barrières frontalières, les sanctions économiques et les déficits de financement qui limitent l'aide alimentaire dont le besoin se fait urgemment sentir. Au Tchad, où le Programme alimentaire mondial (PAM) a pour objectif de nourrir 2,5 millions de personnes, dont plus d’un million de réfugiés, les fonds s’épuisent et l’insécurité alimentaire a atteint des niveaux records, en particulier dans les zones qui accueillent des personnes déplacées par le conflit au Soudan.
La crise humanitaire en Afrique occidentale et centrale est marquée par une violence généralisée et des déplacements forcés de populations, qui aggravent encore davantage l’insécurité alimentaire dans la région. Des familles sont régulièrement agressées ou prises dans des tirs croisés, ce qui les contraint à fuir leurs foyers. On compte actuellement 15,4 millions de personnes déplacées de force dans la région, dont 12,8 millions déplacées à l’intérieur du pays et 2,6 millions déplacées en dehors du pays. Les jeunes sont vulnérables au recrutement forcé dans des organisations armées et les violences basées sur le genre sont omniprésentes. La destruction des infrastructures publiques, telles que les cliniques de santé et les écoles, a encore davantage affaibli la résilience des communautés.
La crise est aggravée par les conflits environnants, tels que la reprise des violences au Soudan, qui poussent des milliers de personnes à fuir vers les pays voisins. Les organisations humanitaires font face à des obstacles importants, notamment un financement insuffisant, des contraintes administratives et sécuritaires, qui ralentissent la mise en œuvre de programmes essentiels et privent ainsi des millions de personnes d’une aide essentielle. En conséquence, les ressources des communautés d’accueil sont mises à rude épreuve et les populations sont forcées de s’enfuir vers des régions côtières telles que le Bénin, la Côte d’Ivoire, le Ghana et le Togo.
Réponse
L’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) et le Programme alimentaire mondial (PAM) appellent à la collaboration afin d'améliorer la sécurité alimentaire et la productivité agricole. Leur objectif est d’atténuer les effets néfastes des fluctuations économiques et de garantir le droit humain à l’alimentation. L’UNICEF et le PAM avaient prévu d’étendre les programmes de protection sociale au Tchad et au Burkina Faso à la suite des succès obtenus au Sénégal, au Mali, en Mauritanie et au Niger. La FAO, le FIDA et le PAM travaillent ensemble pour stimuler la productivité et l’accès à une alimentation nutritive grâce à des programmes de renforcement de la résilience au Sahel.
Pour lutter contre l’insécurité alimentaire en Afrique occidentale et centrale, la Banque mondiale met en œuvre le financement de mesures d'urgence et élabore des plans de préparation à la sécurité alimentaire, tout en surveillant l’insécurité alimentaire régionale avec ses partenaires humanitaires. De plus, les stratégies régionales telles que le Programme de résilience des systèmes alimentaires (FSRP), doté d'un budget de 716 millions de dollars, a pour objectif de renforcer la résilience des systèmes alimentaires. Il devrait bénéficier à plus de 4 millions de personnes, en renforçant la production agricole à travers une agriculture durable, en améliorant la gestion des risques régionaux et en favorisant les chaînes de valeur intra-régionales, afin de s'attaquer aux causes et aux conséquences transnationales de l'insécurité alimentaire.
Le coordinateur sous-régional de la FAO pour l’Afrique de l’Ouest, Robert Guei, a souligné la nécessité d’un changement de paradigme pour répondre à la détérioration en cours de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans la région. Il a insisté sur le fait que les programmes conjoints intégrés de résilience devaient être renforcés et mis en place dans les pays les plus touchés. En outre, M. Guei a souligné l'importance de faciliter l'accès des petits exploitants agricoles aux engrais produits localement afin de stimuler une production alimentaire durable, abordable et nutritive.
Pour conclure, malgré les efforts réalisés par les gouvernements et les agences des Nations Unies pour résoudre la crise, le Programme alimentaire mondial (PAM) fait face à une grave crise de financement. Cette dernière met en danger la vie de millions de personnes au Sahel central et au Nigeria, qui risquent de subir des restrictions alimentaires à partir d'avril 2025. Sans un financement urgent de 620 millions de dollars, le PAM sera contraint de suspendre une assistance vitale en termes d’alimentation et de nutrition envers 2 millions de personnes affectées par la crise, notamment les réfugiés et les personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays. La situation est désastreuse, les conflits, les déplacements, les crises économiques et les chocs climatiques graves alimentent la crise alimentaire. Le PAM appelle ainsi à un soutien rapide et flexible des donateurs afin d’atteindre les populations les plus vulnérables.
Geneva International Centre for Justice (GICJ) félicite l’UNICEF, la FAO, et le PAM, ainsi que d’autres organisations internationales pour leurs efforts sans relâche dans la lutte contre la faim et la malnutrition en Afrique de l’Ouest et du Centre. Le GICJ souligne que la région elle-même a un rôle fondamental à jouer dans le règlement de ce grave problème. La résolution des tensions et conflits politiques est essentielle pour assurer la sécurité alimentaire. Nous considérons que les gouvernements et le secteur privé doivent coopérer pour garantir l’accès de tous à l’alimentation, en privilégiant des solutions durables et équitables qui favorisent la souveraineté alimentaire et protègent les droits humains.