CDH58 : Dialogue interactif avec la Rapporteuse spéciale sur la vente, l’exploitation sexuelle et les abus sexuels d’enfants

58e session du Conseil des droits de l’homme

24 février – 4 avril 2025

Point 3 : Rapporteuse spéciale sur la vente, l’exploitation sexuelle et les abus sexuels d’enfants

13-14 mars 2025

Un grupo de personas sentadas en un escritorio

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Traduit par Hind Raad Gathwan/GICJ

 

Résumé Exécutif

 

Les 13 et 14 mars 2025, lors de ses 29e et 30e séances de la 58e session ordinaire, le Conseil des droits de l’homme a tenu un dialogue interactif sur la vente, l’exploitation sexuelle et les abus sexuels d’enfants avec la Rapporteuse spéciale, Mme Mama Fatima Singhateh.

 

Le rapport présenté (A/HRC/58/52)[1] expose les activités de la Rapporteuse spéciale ainsi que celles entreprises depuis le dernier rapport. L’étude met l’accent sur les abus sexuels d’enfants dans les contextes de maintien de la paix et humanitaires. Le rapport identifie les lacunes dans les efforts actuels visant à lutter contre les abus sexuels sur les enfants et propose des recommandations, soulignant la nécessité d’adopter une approche fondée sur les droits de l’enfant et de lutter contre l’impunité des auteurs de ces crimes.

 

Lors du dialogue interactif, les États ont soutenu la Rapporteuse spéciale dans sa condamnation de toute forme de violence sexuelle touchant les enfants. Ils ont dénoncé les abus et violations commis par les Casques bleus, qui exploitent leur statut de garants de la paix pour abuser d’enfants vulnérables. Les délégués ont ainsi appelé à un renforcement de la responsabilité et à la mise en place de mesures visant à protéger les victimes sur le terrain.

 

Geneva International Centre for Justice (GICJ) se dit profondément préoccupé par les graves violations commises par les soldats de la paix de l’ONU, notamment des actes de terreur et des abus envers des enfants. Ces actes, en violation du droit international, causent non seulement des préjudices irréparables aux victimes, mais sapent également la crédibilité et la mission des Nations Unies et de toutes les nations œuvrant pour la paix. Le GICJ appelle donc à la mise en place d’un mécanisme international indépendant afin d’assurer la responsabilité, mettre fin à l’impunité et prévenir de nouveaux préjudices aux enfants dans les contextes de maintien de la paix et humanitaires.

 

Rapport de la Représentante spéciale du Secrétaire général pour les enfants et les conflits armés

Comprendre la problématique

 

Dans les contextes de maintien de la paix et d’aide humanitaire, les enfants sont souvent confrontés à de graves abus sexuels, notamment le viol, la traite et l’exploitation, parfois en échange d’une aide comme de la nourriture ou de l’argent. Des cas notables ont été signalés en Guinée, au Libéria, en Sierra Leone, en République démocratique du Congo, en Haïti et en République centrafricaine. Ces abus engendrent de graves risques pour la santé, notamment des grossesses, des maladies, voire la mort, ainsi que des traumatismes psychologiques durables. Les victimes, en particulier les filles, sont privées d’éducation et d’opportunités, ce qui les enferme dans des cycles de pauvreté et d’exploitation. Bien que les abus commis sur les filles soient plus largement reconnus, les garçons sont également victimes et rencontrent des obstacles supplémentaires pour accéder au soutien, en raison de la stigmatisation et des barrières sociales.

 

Les Nations Unies interviennent dans des contextes complexes, souvent instables, où leurs opérations de maintien de la paix et d’aide humanitaire sont essentielles pour aider les pays et les communautés à se relever des crises. Cependant, depuis le début des années 1990, l’ONU fait face à de graves allégations d’exploitation et d’abus sexuels, y compris à l’encontre d’enfants. De manière préoccupante, les auteurs de ces crimes sont souvent les mêmes personnes déployées pour protéger les populations vulnérables, ce qui crée un profond paradoxe entre leur mandat de protection et leur incapacité à respecter les principes mêmes qu’ils sont censés défendre.

 

Enfants exposés à un risque accru d’abus sexuels

 

Les enfants déplacés, en particulier ceux se trouvant dans des zones de transit ou dans des camps de réfugiés et de personnes déplacées internes, sont extrêmement vulnérables aux abus sexuels. Les abris surpeuplés, aux conditions précaires et manquant d’intimité, créent des environnements propices aux agressions, où les auteurs peuvent facilement cibler les enfants. Les enfants non accompagnés ou séparés de leur famille courent un risque encore plus élevé en raison de l’absence de protection familiale et de leur dépendance à l’aide humanitaire.

 

Enfants nés à la suite d’abus sexuels

Ces enfants peuvent faire l’objet de discriminations en raison de leur appartenance ethnique mixte ou de la stigmatisation liée aux naissances hors mariage. L’absence d’un père rend souvent difficile pour la mère de retrouver un partenaire, ce qui contribue à isoler la mère et l’enfant du soutien communautaire, qu’il soit émotionnel ou financier.

Dans certains cas, de jeunes mères peuvent se retrouver contraintes d’entretenir des relations d’exploitation avec des membres du personnel humanitaire ou des forces de maintien de la paix pour assurer leur survie. Bien que certains systèmes juridiques nationaux permettent de réclamer une reconnaissance de paternité, ces mécanismes sont souvent inefficaces dans les zones de conflit, où les institutions judiciaires sont dysfonctionnelles, laissant ainsi les victimes sans protection ni soutien.

 

Bonnes pratiques et voies de réponse

Une approche fondée sur les droits humains pour lutter contre les abus sexuels sur les enfants doit se concentrer sur la prévention, l’enquête et la réponse, en donnant la priorité aux droits et aux besoins des enfants victimes. Toutes les missions de maintien de la paix et les opérations humanitaires des Nations Unies doivent intégrer des politiques de protection de l’enfance, en tenant compte des contextes locaux et des vulnérabilités spécifiques des enfants. Les enfants sont titulaires de droits, et leur voix doit être prise en compte dans les décisions concernant leur prise en charge, afin de garantir leur sécurité, leur dignité et leur autonomisation. Les interventions doivent favoriser leur rétablissement et leur réintégration, sans les rendre davantage vulnérables.

 

Les enfants doivent être informés de leurs droits, de la nature de l’exploitation et des abus sexuels, ainsi que des mécanismes de soutien et de signalement disponibles, afin de leur permettre de demander de l’aide. Les campagnes de sensibilisation à destination des enfants et de leurs familles doivent être renforcées, en utilisant un langage accessible. Les missions de maintien de la paix doivent procéder à une vérification rigoureuse du personnel afin d’exclure les personnes ayant un passé d’abus de toute activité en lien avec des enfants. L’ensemble du personnel doit être formé à la protection de l’enfance, en mettant l’accent sur les conséquences des abus et sur l’obligation de signaler tout comportement inapproprié. Les bailleurs de fonds jouent également un rôle essentiel en finançant les initiatives de prévention et en renforçant les clauses de diligence dans les accords de financement, contribuant ainsi à améliorer les mécanismes de signalement et la collecte de données sur les abus sexuels d’enfants.

Le signalement des cas d’exploitation et d’abus sexuels est crucial pour que les auteurs rendent des comptes et pour garantir aux survivants l’accès à un soutien approprié. L’ONU et les États membres doivent mettre en place des mécanismes de signalement accessibles et adaptés aux enfants, en tenant compte de leurs besoins et vulnérabilités. Il est essentiel d’impliquer les communautés dans la création de canaux de signalement fiables et culturellement appropriés. Par exemple, en République démocratique du Congo, des femmes leaders locales ont contribué à la mise en place de mécanismes ayant touché plus de 1,5 million de personnes, dont près de 900 000 enfants.

Les enfants victimes d’abus sexuels ont droit à des réparations, qui doivent les aider à se rétablir, à se réintégrer et à reconstruire leur vie. Ces réparations — comme une indemnisation, une réhabilitation et des garanties de non-répétition — doivent être proportionnées à la gravité du préjudice subi. Toutefois, de nombreuses victimes dans les zones post-conflit n’ont pas accès à des voies de recours. L’ONU doit accompagner ces victimes tout au long de leur processus de guérison et veiller au respect de leurs droits.

En outre, les enfants victimes d’abus sexuels ainsi que les enfants nés de ces violences doivent pouvoir accéder au fonds de solidarité des Nations Unies, qui permet de fournir des services essentiels tels que la sécurité, les soins médicaux, l’éducation et l’assistance juridique.

Les cadres actuels d’enquête sur les allégations d’abus sexuels d’enfants dans les contextes de maintien de la paix et humanitaires sont complexes et lents, en raison de la multiplicité des acteurs et des processus, qui impliquent souvent des renvois entre différentes entités. Des législations différentes s’appliquent selon les catégories de personnel (militaire, policier, civil), ce qui rend le processus encore plus complexe. Pour garantir une justice cohérente, en particulier dans les cas d’abus sexuels sur les enfants, un mécanisme indépendant de responsabilité est nécessaire.

Une solution proposée est la mise en place d’un mécanisme judiciaire spécial, doté du pouvoir d’enquêter et de poursuivre les cas d’abus sexuels sur des enfants impliquant du personnel des Nations Unies, y compris des militaires, dans les cas où leurs pays d’origine sont dans l’incapacité ou refusent d’agir. Ce mécanisme serait composé d’une équipe formée, spécialisée dans les enquêtes sur les violences sexuelles, en particulier celles visant les enfants.

 

Recommandations

Les principales recommandations formulées dans le rapport sont les suivantes :

  • Intégration de la perspective des enfants : Les entités des Nations Unies doivent adopter une approche fondée sur les droits de l’enfant et mettre en œuvre des politiques de protection de l’enfance dans toutes les opérations de maintien de la paix et humanitaires ;
  • Formation et sensibilisation : Fournir aux soldats de la paix et aux travailleurs humanitaires une formation sur la prévention des abus sexuels envers les enfants, et veiller à ce que les communautés locales soient informées des droits des enfants ;
  • Mécanismes de signalement adaptés aux enfants : Mettre en place des mécanismes de signalement accessibles, confidentiels et adaptés aux enfants, leur permettant de dénoncer les abus en toute sécurité ;
  • Mécanisme judiciaire spécial : Proposer la création d’un tribunal spécial chargé d’enquêter et de poursuivre les cas d’abus sexuels sur des enfants commis par du personnel de l’ONU ou militaire, lorsque les juridictions nationales sont défaillantes ;
  • Responsabilité et participation des victimes : Veiller à ce que les victimes reçoivent un retour d’information sur les mesures prises après le signalement des abus, y compris sur les résultats des enquêtes.

 

Dialogue interactif 

Déclarations d’ouverture

Un grupo de personas sentadas en un escritorio

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Mme Singhateh, la Rapporteuse spéciale, a mis en lumière les principaux efforts et défis dans la lutte contre les abus sexuels sur les enfants, en particulier dans les contextes de maintien de la paix et d’aide humanitaire. Elle a expliqué que le rapport identifie des lacunes dans les réponses actuelles des Nations Unies et recommande l’adoption d’une approche fondée sur les droits de l’enfant, l’intégration de mesures renforcées de protection de l’enfance, ainsi que la responsabilisation des auteurs de ces actes.Malgré certains progrès, notamment la politique de tolérance zéro et les mécanismes de soutien aux victimes, le problème persistant des abus sexuels dans les missions de maintien de la paix et les opérations humanitaires demeure préoccupant, avec plus de 200 allégations enregistrées en 2023.

 

Elle a appelé à la mise en place de mesures concrètes, notamment la création d’un mécanisme judiciaire indépendant pour poursuivre les auteurs, ainsi que des modifications des accords juridiques afin de renforcer la responsabilité. Elle a également recommandé une augmentation des contributions au fonds de solidarité pour les victimes et a exhorté les bailleurs de fonds à inclure des politiques de protection de l’enfance dans leurs accords de financement.

Enfin, elle a conclu en encourageant une coopération accrue et la réalisation de visites de pays afin de renforcer le mandat et d’améliorer les réponses à ces problématiques.

 

Déclarations des pays et des groupes régionaux

Un hombre en traje sentado en un escritorio

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Le délégué de l’Union européenne a réaffirmé son engagement à lutter contre les abus et l’exploitation sexuelle des enfants, en particulier dans les contextes de maintien de la paix et d’aide humanitaire. Il a souligné la nécessité d’adopter une approche fondée sur les droits de l’enfant dans toutes les stratégies, ainsi que l’importance d’une formation complète pour prévenir les abus. Enfin, il a mis en avant la note d’orientation de l’UE sur l’exploitation et les abus sexuels en contexte humanitaire, qui met l’accent sur une approche centrée sur les survivants et une politique de tolérance zéro envers les abus.

Una persona con un micrófono en la mano

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La représentante du Koweït a partagé des informations sur les nouvelles lois du pays visant à mieux protéger les enfants, notamment par l’augmentation des peines pour la traite et l’exploitation sexuelle. Elle a également exprimé son inquiétude concernant les violations des droits des enfants palestiniens sous l’occupation israélienne. Par ailleurs, elle a manifesté son soutien aux efforts internationaux visant à assister et protéger les enfants palestiniens.

Mujer sentada en un escritorio

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La représentante du Costa Rica s’est dite alarmée par la persistance des abus dans les contextes de maintien de la paix et humanitaires. Elle a souligné la grande contradiction liée aux déséquilibres de pouvoir, puisque les auteurs utilisaient souvent leur position de « protecteurs » pour commettre des violations. La déléguée a donc exhorté la communauté internationale à veiller à ce que les financements destinés à lutter contre ces abus parviennent aux populations les plus vulnérables et que les enfants concernés soient inclus dans les processus de prise de décision.

Mujer sentada en un escritorio

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Le délégué du Ghana, au nom du Groupe des États africains, a exprimé une profonde préoccupation face aux nombreuses allégations d’exploitation et d’abus sexuels d’enfants, en particulier en Afrique, commis par le personnel des Nations Unies. Rappelant « l’Aspiration 7 de l’Agenda 2040 de l’Union africaine », il a souligné que ces formes d’abus ont un impact durable sur le développement et le bien-être des enfants.

Una persona sentada frente a una computadora

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La représentante de l’Inde a souligné le rôle de son pays en tant que l’un des principaux États contributeurs de troupes aux opérations de maintien de la paix de l’ONU. Pour cette raison, elle a exprimé des préoccupations particulières concernant les cas d’exploitation et d’abus sexuels. La déléguée a affirmé que l’Inde partageait la politique stricte de tolérance zéro du Conseil et demeurait résolue dans son engagement en faveur de la responsabilité et de la prévention.

 

Déclaration de l’UNICEF

L’UNICEF a exprimé sa préoccupation face à la persistance et au sous-reportage des cas d’exploitation et d’abus sexuels sur les enfants dans les contextes de maintien de la paix et humanitaires. Bien que des progrès aient été réalisés, des lacunes importantes subsistent. L’organisation a repris l’appel en faveur de cadres juridiques renforcés, d’un soutien centré sur les survivants et de mécanismes de signalement accessibles. Elle reste engagée à soutenir les efforts visant à prévenir les abus et à garantir le respect des droits des enfants en vertu de la Convention relative aux droits de l’enfant.

 

Déclarations des organisations non gouvernementales (ONG)

Elles ont dénoncé l’utilisation de bloqueurs de puberté et d’hormones transgenres chez les mineurs, affirmant que ces interventions sont expérimentales, manquent de données scientifiques à long terme et sont réalisées sans surveillance médicale adéquate. Elles ont affirmé que ces pratiques peuvent causer des dommages irréversibles et ont appelé à leur interdiction immédiate. Elles ont également réclamé un accès humanitaire et une enquête indépendante sur la situation.

 

Remarques de clôture

Mme Singhateh a réitéré que l’exploitation sexuelle des enfants, en particulier dans les contextes de maintien de la paix et humanitaires, reste une préoccupation urgente. Elle a souligné que la responsabilisation doit aller au-delà des mesures disciplinaires et inclure la responsabilité pénale des auteurs, y compris le personnel international.

Elle a appelé à la création d’un mécanisme judiciaire international dédié pour lutter contre l’impunité dans ces contextes et a insisté sur la nécessité de passer de la simple rhétorique sur la prévention à des actions concrètes et à des réformes systémiques. Elle a mis en avant l’importance d’assurer une protection égale pour tous les enfants en vertu de la Convention relative aux droits de l’enfant, et a conclu en invitant les délégations à assister à un événement parallèle sur ce sujet, soulignant le besoin d’efforts internationaux collectifs pour mettre fin à toutes les formes d’exploitation et d’abus.

 

Position du Geneva International Centre for Justice

Geneva International Centre for Justice (GICJ)est profondément préoccupé par les violations graves commises par les casques bleus de l’ONU, y compris des actes de terreur et d’abus contre les enfants. Ces actions, qui contreviennent au droit international, causent non seulement des dommages irréparables aux victimes, mais portent également atteinte à la crédibilité et à la mission des Nations Unies ainsi qu’à tous les pays engagés en faveur de la paix. Le GICJappelle donc à la création d’un mécanisme international indépendant afin d’assurer la responsabilité, de mettre fin à l’impunité et de prévenir de nouveaux préjudices aux enfants dans les contextes de maintien de la paix et d’aide humanitaire.

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[1] https://docs.un.org/en/A/HRC/58/52

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