Érosion normative: Pourquoi la non-coopération des États-Unis menace l’intégrité de l’architecture internationale des droits humains
Par Theresa Mose et Mihretab Mekonnen Beyene/ GICJ
Traduit par Melissa Fuhrer / GICJ
Introduction
Cet article examine l’impact néfaste du refus unilatéral des États-Unis de participer à la 50e session de l’Examen Périodique Universel (EPU). S’appuyant sur la jurisprudence internationale établie en matière de droits humains et sur les mandats procéduraux du système des Nations Unies, l’article délimite les exigences obligatoires fondamentales du mécanisme, évalue la menace d’érosion multilatérale et formule des recommandations de principe visant à rétablir l’engagement procédural essentiel de tous les États membres de l’ONU.
Violation procédurale et dérogation substantielle
Le régime international des droits de l’homme est actuellement confronté à un défi sans précédent pour ses principes fondamentaux. Cela fait suite à la décision unilatérale des États-Unis d’Amérique de s’abstenir de participer à l’évaluation prévue lors de la 50e session du Groupe de travail de l’EPU. La notification officielle de non-participation, délivrée le 28 août 2025, constitue une dérogation substantielle à l’engagement de l’État en matière de responsabilité multilatérale. L’absence subséquente du rapport national et d’une délégation américaine désignée a conduit à la clôture procédurale de la réunion d’examen le 7 novembre 2025, obligeant ainsi le Conseil des droits de l’homme (CDH) à se pencher immédiatement sur cette violation du principe fondamental de l’EPU, à savoir l’universalité de la couverture et l’égalité de traitement.
L’obligation pévue par le mandat de l’EPU
L’EPU, établi par la résolution 60/251 de l’Assemblée générale et détaillé dans la résolution 5/1 du CDH, représente un pilier fondamental de l’architecture du Conseil. Il impose aux États membres l’obligation de soumettre leur bilan en matière de droits humains à un examen cyclique par leurs pairs. Ce mécanisme est essentiel pour garantir l’application objective et non sélective des normes internationales en matière de droits humains, notamment la Charte des Nations Unies, la Déclaration universelle des droits de l’homme et les instruments ratifiés relatifs aux droits humains. La décision des États-Unis de s’engager dans une adhésion sélective sape fondamentalement l’autorité juridique et morale collective du processus d’examen par les pairs, compromettant sa capacité à servir de référence normative pour l’intégration du droit international des droits humains dans le droit national. Cette obligation procédurale essentielle est la pierre angulaire de la crédibilité du système.
Réunion du CDH: communications de États membres

La réunion du CDH, convoquée pour traiter de la non-coopération des États-Unis, a mis en évidence un consensus mondial selon lequel la participation universelle est essentielle pour maintenir l’intégrité de l’EPU. Les communications des principaux États membres étaient les suivantes:

La délégation cubaine a vivement dénoncé l’action des États-Unis, qualifiant le retrait unilatéral d’affront direct à l’esprit du multilatéralisme. Cuba a affirmé la nécessité de préserver l’intégrité systémique des mécanismes de responsabilité des Nations Unies contre l’opportunisme politique.

La délégation chinoise a exprimé son regret face au manque de respect manifesté à l’égard du mandat de l’EPU et a plaidé en faveur d’une résolution corrective ferme. La Chine a appelé les États-Unis à remplir immédiatement leurs obligations procédurales et à soumettre les documents nécessaires au Secrétariat.

La délégation espagnole, au nom de l’Union Européenne, a fait part de la profonde préoccupation institutionnelle que suscitait cette décision, réaffirmant le caractère apolitique de l’EPU et exhortant les États-Unis à faire preuve de la volonté politique nécessaire pour un réengagement constructif.
Mesure corrective: Ce débat a abouti à l’adoption à l’unanimité du projet de décision A/HRC/OM/19/L-1. Qui exprimait des regrets et imposait le report de l’examen des États-Unis à la 53e session, tout en laissant ouverte la possibilité d’une date antérieure, sous réserve que les États-Unis démontrent qu’ils respectent leurs obligations internationales en matière de droits de l’homme.
Le danger de l’érosion normative et du précédent
Du point de vue de la jurisprudence indépendante en matière de droits de l’homme, la non-coopération des États-Unis constitue une menace critique d’érosion normative à l’échelle du système international. Un retrait de cette ampleur de la part d’un État influent à l’échelle mondiale crée un précédent néfaste qui peut être utilisé par des régimes non conformes pour justifier leur propre refus systémique de se soumettre à un examen international. Cette action est contrainte à l’obligation fondamentale de coopérer avec les mécanismes des droits humains des Nations Unies, une attente réaffirmée à plusieurs reprises dans les résolutions de l’Assemblée générale. L’argument central affirme qu’en cherchant à soustraire ses pratiques nationales en matière de droits humains à l’examen par ses pairs, les États-Unis manquent leur responsabilité internationale et compromettent leur propre autorité morale pour défendre de manière crédible la promotion des droits humains à l’tranger. L’intégrité de l’EPU repose sur l’engagement réciproque et la transparence de tous les États membres, ce qui rend la position des États-Unis intenable pour un leader du consensus sur les droits de l’homme post-1945.
Position et recommendations du GICJ
Geneva International Centre for Justice (GICJ) soutient pleinement les mesures correctives prises dans le projet de décision A/HRC/OM/19/L.1. En tant qu’ONG indépendante dédiée à la défense du droit international relatif aux droits humains, le GICJ estime que l’EPU est un instrument essentiel pour traduire les normes internationales en résultats concrets au niveau national et réaffirme le principe de non-immunité de tous les États membres face au contrôle. LE GICJ affirme que l’administration américaine doit immédiatement transcender les considérations politiques nationales et s’acquitter de sa responsabilité juridique transnationale. Nous lançons un appel urgent et fondé sur des principes aux États-Unis afin qu’ils réaffirment leurs obligations en matière de droits humains. Plus précisément, nous exigeons que les États-Unis s’engagent pleinement à participer à l’EPU reprogrammé en soumettant sans plus tarder le rapport national requis, corrigeant ainsi cette violation procédurale et normative.
La décision de participer à l’EPU est un choix entre un leadership mondial fondé sur la responsabilité et la création d’un dangereux précédent de non-respect systématique. Le GICJ soutient que la promotion des droits humains à l’échelle mondiale est intrinsèquement liée à l’efficacité de l’EPU et au maintien d’un ordre fondé sur des règles.
L’intégrité du système des droits de l’homme exige que les États-Unis corrigent immédiatement cette violation procédurale et normative. Par conséquent, le GICJ exhorte les États-Unis à prendre des mesures définitives pour rétablir la confiance dans leur engagement substantiel envers le cadre international des droits de l’homme, en choisissant de se conformer à l’affirmation nécessaire des principes de jus cogens qui sous-tendent l’ordre multilatéral, empêchant ainsi une nouvelle érosion de la responsabilité mondiale.
