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Minna Adlan / GICJ
Traduit par Léa Farge / GICJ
La ville d’El Fasher, la capitale du Darfour-Nord, subit depuis plus de 500 jours un siège qui en fait le théâtre dévastateur de violations des droits humains et de souffrances. Selon l’UNICEF, environ 260 000 civils sont encore piégés dans la ville et les camps de déplacés environnant, dont la moitié sont des enfants particulièrement exposés. Depuis plus de 16 mois, les Forces de soutien rapide (FSR) imposent un blocus, entravant les voies d'approvisionnement et refusant systématiquement l'aide humanitaire essentielle dont les civils ont désespérément besoin. Ce siège a laissé El Fasher isolée, vulnérable et effondrée sous le poids de la famine, des maladies, ainsi que des violences et violations délibérées. Il s’agit du siège le plus long et meurtrier du conflit.
Le bilan humanitaire a atteint un niveau alarmant et catastrophique parmi les enfants. L’UNICEF estime qu’environ 6 000 enfants souffrent de malnutrition aiguë sévère (MAS) et se retrouvent actuellement sans traitement ni assistance. Le blocage des convois d’aide et l’épuisement des approvisionnements médicaux empêchent l’acheminement d’aliments et médicaments vitaux, laissant les enfants vulnérables dans des conditions périlleuses. En une semaine seulement, 63 civils, la plupart étant des femmes et enfants, sont morts de malnutrition. La directrice de l’UNICEF, Catherine Russell, indique que : « Nous assistons à une terrible tragédie. Les enfants d’El Fasher sont en train de mourir tandis que l’assistance alimentaire vitale de l’UNICEF est bloquée ».
Le siège s’accompagne également d’attaques répétées contre les civils et les infrastructures civiles, notamment 7 enfants ont été tués lors d’une attaque contre le camp de déplacés de Abu Shouk, situé en dehors d’El Fasher, pendant la semaine du 26 août 2025. Depuis le début du blocus, en mai 2024, les Nations unies font état de plus de 1 100 violations graves contre les enfants, celles-ci comprennent notamment :
- Le meurtre et les mutilations de plus de 1 000 enfants.
- Au moins 23 cas de viol, de viols collectifs et d’abus sexuels.
- Des cas d’enlèvement, de recrutement forcé et d’exploitation par des groupes armés.
Les hôpitaux et les écoles, pourtant protégés par le droit international humanitaire, ont été délibérément visés et attaqués. Au moins 35 hôpitaux et 6 écoles ont été touchés, privant les civils déjà vulnérables d’un accès essentiel aux soins de santé et à l’éducation.
L’utilisation manifeste de l’aide humanitaire comme arme reste un problème majeur : les FSR ont entravé les convois d’aide, pillé les fournitures et coupé les voies d’accès. En plus de cette situation, le Soudan fait actuellement face à la pire épidémie de choléra depuis des décennies, avec plus de 2 400 morts depuis juillet 2024. Affaiblis par la faim, les enfants sont désormais particulièrement vulnérables aux maladies hydriques dans les camps surpeuplés de Tawila, Zamzam et El Fasher. Cette privation délibérée de nourriture, de médicaments et d’eau potable n’est pas seulement une catastrophe humanitaire, mais constitue également une grave violation du droit international humanitaire et des droits humains, et dans certains cas, elle se rapproche du crime contre l’humanité.
Le siège en cours d’El Fasher témoigne des violations flagrantes des obligations de l’État inscrites dans les Conventions de Genève et dans la Convention relative aux droits de l’enfant, qui garantissent la protection des civils, particulièrement des enfants, et interdisent l’obstruction de l’aide humanitaire. Le blocage de l’aide humanitaire est une violation du droit international, soulignant l’obligation morale et juridique de la communauté internationale d’agir.
Geneva International Centre for Justice (GICJ) condamne fermement le siège d’El Fasher et le ciblage systématique des enfants, des familles et des infrastructures civiles. GICJ appelle à :
- La levée immédiate du siège d’El Fasher et l’accès à l’aide humanitaire.
- Le respect par toutes les parties de leurs obligations en vertu du droit international et la fin des attaques contre les civils.
- L’application stricte par la communauté internationale des embargos existants sur les armes et le soutien à des mécanismes indépendants de responsabilisation.
- Un effort accru des acteurs humanitaires et des États donateurs pour livrer une aide vitale.
Le siège d’El Fasher est un rappel fort que les enfants et les civils innocents continuent de payer le prix du conflit, et sans action urgente, des milliers de vies sont en jeu. La paix sans responsabilité n’est pas possible. Le monde doit agir maintenant pour mettre fin au siège d’El Fasher et rendre justice à toutes les victimes.