Crise des droits humains au Burundi : 10 ans après la crise de 2015
Newsletter du GICJ sur l’Afrique, août 2025
Par Teboho Mosebo / GICJ
Traduit par Astrid Bochnakian / GICJ
Contexte
Le Geneva International Centre for Justice (GICJ) a participé à la 18ᵉ réunion, le 27 juin 2025, de la 59ᵉ session du Conseil des droits de l’homme, consacrée au dialogue interactif sur la mise à jour orale de la Rapporteuse spéciale sur le Burundi. Cette discussion essentielle visait à présenter la crise actuelle des droits humains au Burundi, dix ans après le début de la crise. En 2015, le Burundi a été confronté à une grave crise politique déclenchée par le troisième mandat controversé du défunt président Pierre Nkurunziza, qui a conduit à une répression brutale, des assassinats ciblés, des actes de torture, des disparitions forcées et des violences sexuelles contre des civils.
Introduction
Le Rapporteur spécial a ouvert sa mise à jour en examinant la situation du pays dix ans après la crise de 2015, soulignant des préoccupations concernant l’indépendance et l’impartialité du système judiciaire, les pratiques abusives en matière foncière et les restrictions de l’espace civique. Les récentes élections de juin 2025, bien que menées pacifiquement, ont été critiquées pour leurs irrégularités. Lors du dialogue, les avis sur le Burundi ont été partagés : certains délégués ont critiqué le pays pour son bilan en matière de droits humains, tandis que d’autres ont salué ses efforts et ses progrès. Certains délégués ont également exprimé des inquiétudes quant à la diffusion d’informations inexactes sur le Burundi.
Voici quelques-unes des principales préoccupations persistantes au Burundi :
Exécutions extrajudiciaires et impunité
Les exécutions extrajudiciaires demeurent une préoccupation majeure au Burundi. L’impunité persistante depuis la crise de 2015 a encouragé les autorités à poursuivre ces pratiques avec peu de conséquences. Cela a entraîné des blessures psychologiques non résolues et a sapé la confiance dans les institutions nationales et régionales, du fait de l’échec à rendre justice aux victimes. Selon Tigere Chagutah, directeur régional pour l’Afrique de l’Est et australe à Amnesty International, l’absence de justice pour les victimes a eu des impacts durables. Ce problème persiste clairement, avec des incidents récents soulignant la nécessité de rendre des comptes et de garantir la justice.
Disparitions forcées
Les disparitions forcées constituent une préoccupation critique au Burundi. Amnesty International et Human Rights Watch ont documenté de nombreux cas qui contribuent à une culture de la peur. Le Forum pour la Conscience et le Développement, une ONG burundaise, a signalé 34 cas en 2024, dont 24 restent non élucidés. Plus de 400 000 Burundais ont fui le pays depuis la crise de 2015, principalement vers la Tanzanie, le Rwanda et la République démocratique du Congo. Les registres de la Cour pénale internationale de 2023 à mars 2025 font état de 65 disparitions forcées, 137 détentions arbitraires, 28 cas de torture et 11 exécutions extrajudiciaires. Les disparitions forcées nécessitent une attention et une action urgentes.
Réduction de l’espace civique
L’espace civique au Burundi continue de faire face à de graves défis. Selon une déclaration de l’alliance mondiale CIVICUS, de graves violations et abus des droits humains persistent dans le pays en toute impunité. La loi sur les ONG étrangères restreint l’action des organisations de la société civile (OSC). Les défenseurs des droits humains et les militants font face à des arrestations et détentions arbitraires, des menaces et des attaques. On constate une recrudescence des violences contre les journalistes, notamment contre Willy Kwizera, enlevé pour avoir rapporté sur les conditions de vie des étudiants, et Ahmed Masudi Mugiraneza, arrêté puis relâché. Cette tendance est particulièrement préoccupante à l’approche des élections locales. L’alliance CIVICUS et des OSC burundaises indépendantes ont exhorté le gouvernement du Burundi à garantir un espace permettant aux citoyens de jouir de leurs droits humains et à coopérer avec le Rapporteur spécial. Ils ont également insisté sur la nécessité pour le gouvernement de lui accorder l’accès au pays.
Indépendance de la justice
La justice burundaise est confrontée à de graves défis concernant son indépendance. Elle est vulnérable aux influences politiques dans les nominations et décisions, ce qui compromet la séparation des pouvoirs. La corruption reste un problème persistant, entravant l’accès à la justice. Des restrictions pèsent sur la capacité de la justice à fonctionner de manière indépendante. Des organismes internationaux, dont l’ONU et la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, ont exprimé leurs inquiétudes et appelé à des réformes judiciaires ainsi qu’à la promotion d’une justice plus indépendante. Tous ces défis affectent l’État de droit et les droits humains au Burundi.
Conclusion
D’autres préoccupations majeures en matière de droits humains au Burundi nécessitent une attention urgente, notamment les droits des femmes face aux injustices, l’état de la gouvernance, l’absence de concurrence politique et des réformes foncières non durables. Le GICJ exhorte le gouvernement du Burundi à agir immédiatement pour répondre à ces préoccupations, assurer la reddition de comptes, protéger les défenseurs des droits humains et promouvoir des réformes judiciaires. La 59e session du Conseil des droits de l’homme a constitué une occasion cruciale pour mettre en lumière la crise silencieuse des droits humains au Burundi. Pour aller de l’avant, nous recommandons :
- Responsabilité gouvernementale : le gouvernement du Burundi doit garantir la reddition de comptes en cas de violations des droits humains et promouvoir des réformes judiciaires.
- Coopération internationale : l’examen par la communauté internationale de la crise des droits humains au Burundi et son soutien à la société civile ainsi qu’aux défenseurs des droits humains doivent se poursuivre.
Il est temps pour toutes les parties prenantes de se rassembler afin de promouvoir les droits humains, la justice et l’égalité pour tous au Burundi.
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