Le Conseil insiste sur l’importance d’éviter le génocide 

59è session du Conseil des droits de l’homme 

16 juin - 9 juillet 2025

Item 2 : Dialogue interactif avec le Conseillère spéciale pour la prévention du génocide

23 juin 2025

Par Carla Roa El Hage / GICJ 

Traduit par Astrid Bochnakian / GICJ

 

« L’absence de responsabilité est en tant que tel un indicateur de risk, » a déclaré Mme Viginia Gamba, Conseillère spéciale par intérim pour la prévention du génocide, au cours du dialogue intéractif de la la 5çè session du Conseil des droits de l’homme. Cette déclaration a donné le ton à une session puissante et urgente, au cours de laquelle les États membres, les blocs régionaux et les ONG ont mené une discussion approfondie sur l'état de la prévention des atrocités à l’échelle mondiale. Mme Gamba a mis en évidence la prolifération des discours de haine, la réduction de l’espace civique, l’impunité pour les atrocités du passé et du présent, et une dangereuse érosion globale de la confiance en une réponse multilatérale.

Ce dialogue a attiré l’attention sur de multiples crises, notamment les attaques motivées par des considérations ethniques au Soudan, les abus systématiques contre la population rohingya au Myanmar, et la catastrophe humanitaire dévastatrice à Gaza. Plusieurs délégations, en particulier du Sud, ont explicitement défini la situation à Gaza comme un génocide et ont critiqué l’échec du Bureau de prévention du génocide onusien de lareconnapitre publiquement comme tel. D'autres ont insisté sur la nécessité de renforcer les mécanismes d'avertissements précoces, d’augmenter le soutien technique aux États, et de réguler les plateformes numériques qui encouragent à de tels actes et déshumanisent

Un thème récurrent était l'incohérence et la sélectivité des réponses internationales aux atrocités. De nombreux États ont critiqué ce qui leur semblait être un double standard dans l'approche du Conseil vis-à-vis de la prévention et de la responsabilité, avertissant qu’une telle incohérence sape la crédibilité de l’ensemble du système international de protection des droits humains.

Le Geneva International Centre for Justice (GICJ) réaffirme que la prévention doit dépasser la rhétorique. Elle requiert des actions précoces et égales aux menaces crédibles, un soutien aux populations affectées et le courage politique de tenir les auteurs de ces violations responsables, indépendamment du contexte politique. La prévention du crime de génocide n’est pas une fonction sylmbolqiue du système onusien, c’est un impératif légal et moral. 

Contexte 

La création du Bureau pour la prévention du génocide et la responsabilité de protéger en 2005 a maruqé un trouant institutionnel dans la façon dont les Nations Unies essyaent de répondre aux actrocités. Incité par les échecs d’éviter les génocides au Rwanda et à Srebrenica dans les années 1990, le mandat du Conseiller spécial consiste à évaluer les signes précoces, alerter, coordonner les réponses onusiennes et conseiller les États membres sur l’application de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide et d’autres instruments légaux pertinents. 

Le Bureau utilise le Cadre d’analyse des Nations Unies pour les crimes atroces, un instrument détaillé comprenant des facteurs tels que les discriminations identitaires, les violations des droits, l’absence de responsabilité, et une rhétorique inflammatoire ou un discours de haine. Lorsque ces indicateurs sont observés en particulier lorsqu’ils sont combinés, ils doivent susciter une attention internationale urgente ainsi qu’une action coordonnée. 

Cependant, près de vingt ans après la création de ce mandat, le monde est toujours témoin de crimes de masse, sous diverses formes. Au Soudan, les attaques à caractère ethnique au Darfour occidental ont entraîné le massacre de civils à grande échelle. Au Myanmar, la communauté rohingya reste déplacée et persécutée, sans perspectives de justice ni de retour. À Gaza, les pertes massives parmi la population civile, la destruction des infrastructures, et l’entrave à l’aide humanitaire ont amené plusieurs gouvernements et instances juridiques à demander une évaluation visant à déterminer si le seuil du crime de génocide a été franchi.

L’utilisation accrue des plateformes numériques comme vecteurs de discours haineux et d’incitation limitent d’autant plus les efforts de prévention. Malgré le potentiel de ces plateformes de servir d’instrument pour la prévention et la mobilisation civique, elles sont utilisées pour aggraver les tensions, propager des idéologies violentes et désensibiliser le public vis-à-vis des atrocités. 

La politisation du terme « génocide » a aussi contribué à cette paralysie. des disputes concernant la terminologie, la jurisdiction et l'intérêt national font obstruction à des réponses urgentes, y compris lorsque les indicateurs sont présents. Dans cet environnement, l’effectivité du Bureau sur la prévention du génocide ne dépend pas seulement des évalutations techniques, mais la volonté d’agir des États membres d’agir en réponse aux alertes et de soutenir son mandat. 

Dialogue interactif 

Déclaration de la Conseillère spéciale

Mme Virginia Gamba, Conseillère spéciale par intérim pour la prévention du génocide, a introduit la session en décrivant les quatre focntions essentielles de son mandat : (1) rassmebler des infromations concernant les potentielles situations d’atrocités, (2) évaluer et communiquer sur les signes préocces, (3) fournir une assistance technique aux États membres pour déveloper leurs capacités de prévention, et (4) coordonner les différentes branches de l’ONU et les partenaires régionaux pour assurer une approche systémique à la prévention. Elle a souligné que, bien que le Bureau n’ait pas l’autorité légale pour déterminer si un génocide a eu lieu - un rôle qui est réservé aux instance internationales et nationales compétentes - il peut et doit évaluer l’émergence de facteurs de risque, et alerter en conséquence. 

Mme Gamba a fourni un aperçu des multiples contextes dans lesquels les risques d’atrocités sont aigus et s’aggravent : 

  • Au Soudan, elle a décrit les violences à caractère ethnqiue contre les Masalits et d’autres communautés du Darfour occidental, alertant sur le fait que le manque de protection et de mécanismes de responsabilisation pourrait laisser place à des crimes de masse s' ils ne sont pas maîtrisés. 
  • Au Soudan du Sud, elle a mis en évidence la résurgence de violences identitaires dans le contexte de violences politiques et d’une gouvernance fragile, qui continue à menacer la stabilité du pays. 
  • Au Sahel, Mme Gamba a souligné les attaques répétées sur les communautés peules par des acteurs étatiques et non-étatiques, reflétant l’escalade dangereuse de la stigmatisation de certains groupes sur la base de leur identité et des réponses militaires. 
  • Au Myanmar et au Bangladesh, elle a réitéré ses inquiétudes concernant la population Rohingya, en particulier ceux qui sont toujours confinés dans des camps de réfugiés et qui se voient refuser toutes formes de justice ou de retour en sécurité. 
  • À Gaza, même si elle n’a pas légalement qualifié la situation, Mme Gamba a noté de façon alarmiste l’échelle du bilan civil, la destruction d'infrastructures essentielles, et l’entrave à l’accès humanitaire. Elle a déclaré que ces éléments impliquent des questions de protection et doivent être étroitement surveillés selon le cadre de prévention des atrocités. 

Au-delà des risques spécifiques à certains pays, Mme Gamba a insisté sur les tendances structurelles qui sapent les efforts globaux de prévention, notamment la prolifération des discours de haine et l’incitation via les plateformes numériques, qu’elle a qualifié de facilitateur croissant de la violence. Elle a averti que les espaces espaces en ligne sont devenus des outils de déshumanisation, de recrutement et de radicalisation, échappant souvent à la surveillance de l’État. En réponse, elle a exhorté les États membres à développer des mécanismes de régulation à la fois conformes aux droits humains et axé sur la prévention pour les espaces numériques

Mme Gamba a également insisté sur l’importance de la résilience nationale, y compris les institutions, la confiance civique et la protection pour les groupes minoritaires, comme la base de la prévention des atrocités. Elle a appelé à la ratification universelle et l’application complète de la Convention de 1948, notant que de nombreux États n’ont toujours pas traduit leurs obligations internationales dans leur législation nationale. 

Enfin, Mme Gamba a conclu avec un avertissement : des alertes précoces ne sont utiles que lorsqu’elles entraînent une réponse. Elle a exhorté les États membres et le Conseil de considérer la prévention du génocide non seulement comme un engagement théorique mais comme une obligation pratique et collective. L’inaction face à des indicateurs de risque crédibles ne se traduit pas seulement par une perte de vies humaines, mais porte également atteinte à la crédibilité de l’ensemble du système international. 

Déclarations des pays et des groupes 

Le représentant de l’Union européenne (UE) a réaffirmé l'engagement indéfectible du bloc pour la prévention du génocide et des atrocités, ancré dans le droit international et le principes de la charte des Nations Unies. L’UE a souligné que la communauté internationale a une responsabilité partagée d’agir quand des avertissements précoces sont observés et a insisté sur le fait que l’impunité ne peut être tolérée, indépendamment des sensibilités politiques impliquées. 

Une inquiétude particulière a été évoquée concernant le rôle des réseaux sociaux dans l’alimentation de la division, l’incitation et la déshumanisation. L’UE a appelé à développer un cadre normatif conforme aux droits humains pour contrer les discours haineux en ligne, la désinformation et la violence facilitée par les outils numériques. Le délégué a également insisté sur l’importance de préserver la liberté d’expression et d'éviter une censure qui pourrait affecter la société civile de façon disproportionnée. 

L’UE a également demandé à la Conseillère spéciale des orientations sur la manière dont les technologies numériques, lorsque utilisées de manière responsable, pourraient servir d’outils d'alerte, de collecte de données et d'engagement des communautés pour la prévention des atrocités. Le délégué a réaffirmé le soutien de l’UE pour renforcer le mandat et les ressources du Bureau pour la prévention du génocide et a appelé à plus de transparence et de réactivité dans la façon dont le Bureau évalue les risque et communique dessus. 

La déléguée du Ghana, au nom du groupe des États africains, a exprimé son appréciation pour les informations communiquées par la Conseillère spéciale et a réaffirmé l’engagement du continent pour renforcer les mécanismes nationaux et régionaux de prévention des atrocités. Le groupe des États africains a insisté sur l’importance des systèmes d’alerte précoce et de réponse rapide dans l’identification des signes et la réplique avant qu’ils ne s’intensifient.

Le Ghana a mis en avant la politique historique de justice transitionnelle de l’Union africaine, un cadre pour répondre aux injustices historiques, conduisant à une gouvernance inclusive et renforçant la cohésion sociale. La déléguée a également attiré l’attention de l’assemblée sur la Journée internationale de réflexion sur le génocide au Rwanda, qui sert non seulement de moment de commémoration mais appelle également à agir pour empêcher de futures atrocités. 

Le groupe des États africains a insisté sur que la prévention doit être spécifique à un contexte et menée localement, avec un soutien international fondé sur la collaboration et non sur la contrainte. La déléguée a appelé à augmenter l'assistance internationale afin de renforcer la capacité institutionnelle, de promouvoir la responsabilité et de soutenir l’inclusivité dans l’éducation et dans le dialogue. Le groupe a également exhorté à une meilleure intégration de la prévention des atrocités dans le programme de développement, soulignant que la paix durable requiert à la fois la justice et des réformes structurelles.

 

Le délégué du Pakistan, représentant l’Organisation de la coopération islamique (OCI), a condamné les actions d’Israël à Gaza comme constitutives de génocide, évoquant le famine délibérée, les attaques contre les civils et les enfants, la destruction du système de santé, ainsi que l’entrave à l’aide humanitaire comme preuve sans équivoque de l’intention génocidaire, comme définie par le droit international. 

L’OCI a exprimé son inquiétude concernant l’échec des mécanismes internationaux, y compris celle du Bureau pour la prévention du génocide, à s’exprimer fermement ou à agir concrètement face à ce qu’il a qualifié d’atrocité manifeste et continue. Se référant aux mesures conservatoires de la Cour internationale de justice, le délégué a insisté qu’il y a actuellement une possibilité de reconnaître légalement la plausibilité du génocide, et que la système onusien doit agir en conséquence. 

Le délégué a également attiré l’attention sur la montée de l’islamophobie et les discours haineux à l’échelle mondiale, qui sont souvent la base de violences identitaires et de discriminations institutionnelles. L’OCI a exhorté les États membres à adopter des stratégies nationales complètes pour empêcher les incitations à la haine, protéger les minorités religieuses et respecter leurs obligations, conformément à la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide. Cette intervention a conclu sur un appel à une responsabilité impartiale, indépendamment des statuts politiques et des alliances avec des responsables de ces crimes.   

Le délégué de la Sierra Leone, au nom du Groupe des amis de la Responsabilité de protéger (R2P), a insisté sur le besoin d’intégrer la prévention des atrocités dans le système onusien. Le délégué a réitéré que la prévention du génocide ne relève pas la seule responsabilité d’un bureau ou d’une titulaire de manadat mais est un devoir partagé à l’échelle de l’institution devant être reflété dans les travaux des agences de maintien de la paix, de dévelopmment, des droits et humanitaires, sans distinction. 

À partir de l’expérience de la Sierra Leone en matière de réconciliation et de justice à la sortie de conflit, le délégué a noté les efforts nationaux récents pour renforcer les mécanismes de prévention, notamment le Centre national de coordination de l’alerte précoce et de la réponse et la Commission indépendante pour la paix et la cohésion nationale. À l’échelle régionale, la Sierra Leone a félicité le rôle de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest et a insisté sur l’importance de la collaboration transfrontalière pour détecter les signes et y répondre. 

Le Groupe des amis de la R2P a accueilli avec satisfaction l’utilisation continue du Cadre d’analyse des Nations Unies pour les crimes atroces et a encouragé une diffusion plus large et son intégration dans les cadres politiques nationaux. Le délégué a également appelé à investir dans l’enseignement public, dans l’éducation au numérique et dans les initiatives de cohésion sociale, évoquant la prévention à long-terme pour construire par le bas des société inclusives et respectueuses des droits humains.

L’État de Palestine a décrit la situation à Gaza comme un génocide délibéré et toujours en cours. La délégué a décrit ce qu’ils considèrent sans équivoque comme des actes démontrant une intention et une conduite génocide, conformément à la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, y compris les attaques délibérées contre des civils, la destruction d’infrastrucures critiques l’utilisation de la famine comme arme de guerre, et l’entrave systématique à l’aide humanitaire. Selon la déléguée, ces actes ne sont pas des incidents isolés mais constituent une campagne coordonnée d’extermination. 

La déléguée palestinienne a critiqué la communauté internationale pour son inaction, en particulier l’échec des principales branches onusiennes à répondre de façon proportionnelle et systématique. La délégué a en particulier critiqué le Bureau pour la prévention du génocide pour son silence persistant, malgré la reconnaissance croissante à l’échelle globale de la plausibilité qu’un génocide soit en train de se dérouler à Gaza, y compris par la Cour internationale de justice. Selon elle, ce silence est une forme de complicité et démontre que les mécanismes visant à protéger les populations face aux atrocités sont appliqués de manière sélective, selon des considérations politiques plutôt que des principes légaux ou moraux.  

Cette intervention a souligné que, alors que la majorité des victimes à Gaza sont des civils, notamment des enfants, le discours à l’échelle internationale continue de décrire la situation comme un “conflit”, obscurcissant de fait la nature asymétrique et ciblée de la violence; La délégué palestinienne a averti que l’inaction endommagerait de façon irréparable la crédibilité de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide et de l’intégralité du système onusien de protection des droits humains. 

La déléguée a conclu en appelant la Conseillère spéciale à remplir son mandat sans crainte ni complaisance politique, à reconnaître publiquement la gravité de la situation à Gaza et à soutenir immédiatement et de façon impartiale les enquêtes d’atrocités. Son intervention s’est conclue sur un avertissement sévère : le silence persistant confirmera que le “plus jamais ça” n’est pas un principe mais un slogan vide de sens pour les Palestiniens. 

Le déléhué de l’Ukraine a souligné ce qu’il a qualifié d’actes génocidaires clairs et systématiques perpétrés par la Fédération de Russie dans le cadre de son invasion à grande échelle. Le délégué a soutenu que le génocide n’est pas toujours un événement immédiat, mais souvent un processus, qui se déroule à travers des politiques d’effacement identitaire, de suppression culturelle et de persécution violente, toutes menées, selon lui, par les autorités russes contre la population ukrainienne.

Au cœur de l’argumentation de l’Ukraine se trouvait le transfert forcé d’enfants ukrainiens vers le territoire russe, leur russification systématique et le déni de leur identité nationale, des pratiques qui, selon le délégué, correspondent à l’Article II(e) de la Convention pour la prévention et la répression du crime du génocide qui interdit le transfert forcé d’enfants d’un groupe à un autre. Le délégué a également cité la destruction  du patrimoine culturel ukrainien, la répression de la langue ukrainienne et les attaques généralisées contre les infrastructures civiles comme preuves supplémentaires de l’intention d’effacer l’identité nationale ukrainienne.

L’Ukraine a souligné que ces actions s’inscrivent dans un contexte de longue histoire de négation et de déshumanisation par des responsables russes, qui ont à plusieurs reprises remis en question la légitimité de l’État et de l’identité ukrainiens, une rhétorique que l’Ukraine a qualifiée d’incitation dangereuse, correspondant aux premiers signes avant-coureurs de crimes d’atrocité.

Le délégué a appelé le Bureau de prévention du génocide à inclure la situation en Ukraine dans ses évaluations des risques et à soutenir les mécanismes d’enquête internationale indépendante et de responsabilisation. Il a également souligné l’importance de la justice transitionnelle et des réparations comme outils non seulement de réparation, mais aussi de prévention.

L’Ukraine a conclu en rappelant l’Holodomor, la famine de 1932-1933 largement reconnue comme un génocide contre le peuple ukrainien, et a averti qu’un défaut d’action face à la reprise des atrocités constituerait une tragique répétition de l’histoire.

Le représentant de la Namibie a livré une puissante réflexion historique, rappelant le génocide commis par les forces coloniales allemandes contre les peuples Ovaherero et Nama entre 1904 et 1908. Le délégué a décrit la récente commémoration nationale de cette atrocité, qui a rassemblé des descendants des victimes sur les anciens sites de camps de concentration, dans un moment de deuil collectif, de mémoire et de résilience. Soulignant que ce génocide fut le premier du XXe siècle, la Namibie a insisté sur ses effets socio-économiques et psychologiques durables, qui continuent de toucher les communautés aujourd’hui. Le délégué a affirmé que la commémoration ne devait pas être purement symbolique, mais qu’elle devait se traduire par des engagements concrets en faveur de la justice, des réparations et de la non-répétition. La Namibie a réaffirmé son soutien aux efforts internationaux de prévention du génocide, notamment à travers les systèmes d’alerte précoce, le renforcement des capacités et les réformes juridiques. Elle a également réitéré la nécessité de reconnaître et de traiter les génocides de l’ère coloniale dans le cadre plus large du programme mondial de prévention, affirmant qu’une reconnaissance complète des atrocités passées est essentielle à la construction d’une paix durable et du respect de la dignité humaine.

Le représentant du Soudan a commencé par réaffirmer l’engagement total de son pays envers la Convention sur le génocide. Il a ensuite accusé les Forces de soutien rapide (RSF) de mener des attaques intensives, systématiques et sélectives dans le but de détruire massivement une population entière. Le délégué a condamné ces actes génocidaires qui se sont produits dans l’État d’Al Jazirah et a appelé le Conseil à tenir les auteurs responsables et à s’assurer qu’aucune forme de soutien ne soit accordée aux RSF par l’un quelconque des membres du Conseil.

Le délégué de la Chine a condamné toutes les formes de génocide, passées et présentes, et a exprimé sa préoccupation quant à l’utilisation abusive des plateformes numériques à des fins d’incitation. Le délégué a critiqué certains pays occidentaux pour avoir politisé la question du génocide et appliqué de manière sélective le droit international. La Chine a souligné son soutien à la coopération internationale fondée sur le respect mutuel et la non-ingérence.


Le délégué de la Fédération de Russie a exprimé sa préoccupation face à ce qu’il a décrit comme la politisation du concept de génocide, mettant en garde contre son utilisation comme instrument géopolitique plutôt que comme qualification strictement juridique et humanitaire. Le délégué a averti qu’une application incohérente de ce terme mine à la fois la crédibilité de la Convention sur le génocide et la légitimité du système international.

En réponse aux accusations d’autres États membres concernant les actions de la Russie en Ukraine, le délégué russe a fermement rejeté toute allégation de conduite génocidaire et a accusé, à l’inverse, les autorités ukrainiennes de commettre un génocide contre les Russes ethniques et les populations russophones, en particulier dans la région du Donbass. La Russie a allégué que, depuis des années, ces communautés font face à la persécution, à la discrimination et à la violence, y compris à ce qu’elle a qualifié de tentatives systématiques d’effacer leur identité linguistique et culturelle.

Le délégué a critiqué les pays occidentaux pour ce qu’il a décrit comme une indignation sélective et des doubles standards, les accusant de fermer les yeux sur les atrocités commises par leurs alliés tout en amplifiant des accusations non vérifiées contre leurs adversaires géopolitiques. La Russie a appelé le Conseiller spécial à maintenir son objectivité et à éviter de tirer des conclusions prématurées ou politiquement motivées sans procédures judiciaires complètes.

La Russie a conclu en exhortant le Conseil des droits de l’homme à défendre le principe d’égalité souveraine et de non-ingérence, et à se concentrer sur le renforcement des mécanismes internationaux traitant des crimes d’atrocité sans politisation, conformément à la Charte des Nations Unies et au droit international.

Le délégué du Rwanda a réaffirmé l’engagement indéfectible de son pays en faveur de la prévention des atrocités, ancré dans l’héritage du génocide de 1994 contre les Tutsi. Rappelant son propre passé, le Rwanda a souligné l’importance de la mémoire, de l’éducation et de la réconciliation dans la prévention des atrocités futures. Le délégué a mis en avant les stratégies nationales visant à renforcer la cohésion sociale, promouvoir une gouvernance inclusive et lutter contre les discours de haine. L’intervention a également appelé à un soutien international accru aux initiatives africaines de prévention, et a encouragé les autres États membres à intégrer l’enseignement du génocide dans les programmes formels et informels.

Le représentant du Royaume-Uni a exprimé son ferme soutien au mandat du Conseiller spécial et a souligné ses préoccupations spécifiques concernant les risques actuels d’atrocités au Myanmar, au Soudan et en Afghanistan. Le Royaume-Uni a insisté sur l’importance de maintenir la capacité d’alerte précoce au sein du système onusien et a appelé à une coopération renforcée entre les États membres et le Bureau pour la prévention du génocide. Le délégué a souligné le rôle de la responsabilité dans la dissuasion des crimes d’atrocité et a demandé au Conseiller spécial comment les États pouvaient mieux soutenir la préparation opérationnelle de l’ONU pour intervenir avant que des atrocités ne se produisent. L’intervention a réaffirmé l’engagement plus large du Royaume-Uni envers la responsabilité de protéger et la Convention sur la prévention et la repression du génocide.

Interventions des organisations non gouvernementales

De nombreuses ONG et institutions nationales des droits de l’homme (INDH) ont pris la parole pour exprimer une profonde inquiétude face à l’échec apparent de la communauté internationale à respecter ses obligations juridiques et morales en matière de prévention du génocide et des autres crimes d’atrocité. Plusieurs organisations ont souligné que des signaux d’alerte précoce sont désormais présents dans de multiples crises, notamment à Gaza, au Soudan, au Myanmar et en Ukraine, mais que la réponse mondiale reste fragmentée, inconsistante et souvent limitée par des considérations politiques.

Un thème récurrent dans les interventions des ONG a été le silence du Bureau des Nations Unies pour la prévention du génocide face à des preuves croissantes. Certaines organisations ont critiqué le refus du Bureau de reconnaître publiquement la plausibilité d’un génocide à Gaza, malgré les mesures provisoires ordonnées par la Cour internationale de justice. Ce silence institutionnel perçu, ont-elles argumenté, porte atteinte à la crédibilité du système des Nations Unies et contribue à un climat d’impunité pour les acteurs puissants.

Les ONG ont également mis en avant le rôle des technologies numériques et des réseaux sociaux dans la prolifération des discours de haine, de l’incitation et de la déshumanisation des communautés vulnérables. Tout en reconnaissant le potentiel des plateformes numériques comme outils d’alerte précoce et d’éducation, beaucoup ont appelé à une régulation plus solide et respectueuse des droits dans les espaces en ligne pour empêcher l’instrumentalisation des discours. Certaines ont averti que l’intelligence artificielle et le ciblage algorithmique sont utilisés pour amplifier la rhétorique incendiaire, particulièrement dans les zones de conflit.

Plusieurs intervenants ont souligné la continuité historique des pratiques génocidaires, reliant les atrocités passées, y compris les génocides de l’époque coloniale, aux crises actuelles. En particulier, les organisations représentant les communautés autochtones et anciennement colonisées ont exigé une plus grande reconnaissance de ces crimes historiques dans le cadre de prévention des Nations Unies, ainsi que des mesures concrètes en matière de vérité, de réparations et de garanties de non-répétition.

Un certain nombre d’ONG et d’INDH ont salué les efforts de certains États membres pour tenir les auteurs responsables devant les tribunaux internationaux et les juridictions nationales, mais ont insisté pour que ces efforts soient universels et dépolitisés. La justice sélective, ont-elles averti, ne fait que creuser les griefs existants et alimenter le ressentiment parmi les groupes marginalisés.

Dans l’ensemble, la société civile a appelé à une approche de prévention centrée sur les victimes, où les voix, les besoins et les expériences des communautés affectées ne sont pas seulement reconnues, mais placées au cœur de la réponse internationale. Elle a réitéré que la véritable mesure de l’engagement des Nations Unies en matière de prévention ne se compte pas en nombre de discours prononcés à Genève, mais dans la protection tangible et la dignité accordées aux personnes à risque sur le terrain.

Conclusion

Dans ses remarques finales, la Conseillère spéciale, Mme Virginia Gamba, a réitéré la nécessité urgente d’une action précoce, coordonnée et dépolitisée pour prévenir le génocide et les autres crimes d’atrocité. Elle a reconnu les profondes préoccupations exprimées par les États membres et la société civile, notamment les allégations de génocide dans plusieurs régions, et a affirmé que le Bureau reste engagé à remplir son mandat conformément au droit international et aux principes de l’ONU. Elle a rappelé au Conseil que si son bureau ne peut pas légalement déterminer l’existence d’un génocide, il a pour mission d’identifier et de communiquer les facteurs de risque afin de susciter des actions préventives.

Mme Gamba a souligné que la prévention n’est pas un acte ponctuel, mais un processus continu impliquant surveillance, dialogue, responsabilisation et réforme systémique. Elle a insisté sur le fait que l’absence de responsabilité constitue en soi un indicateur de risque, et a averti que lorsque l’impunité prévaut, les crimes d’atrocité ont plus de chances de se reproduire ou de s’aggraver. Elle a exhorté les États à se concentrer sur le renforcement de la résilience nationale et régionale, le soutien aux institutions indépendantes, la protection de l’espace civique, et l’accès à la justice pour les communautés vulnérables.

Elle a surtout appelé à une collaboration renforcée entre les États membres, les organisations régionales et le système des Nations Unies, notamment dans le domaine numérique, où les discours de haine et l’incitation ont de plus en plus contribué à la violence identitaire. Elle a salué la reconnaissance croissante de la nécessité de cadres de gouvernance numérique qui protègent la liberté d’expression tout en combattant l’incitation à la violence.

Mme Gamba a conclu en appelant tous les États à considérer la prévention du génocide comme une responsabilité partagée et un impératif moral, et non comme un outil politiquement opportun. Elle a rappelé au Conseil que le coût de l’inaction ne se mesure pas seulement en institutions brisées, mais en vies brisées, et que la crédibilité de l’ONU dépend de sa capacité à défendre fermement et impartialement les droits et la dignité de tous les peuples. De plus, elle a fermement rejeté les critiques de certains représentants qui minimisaient le travail de son Bureau concernant Gaza, qualifiant ces allégations de « désinformation ou d’ignorance ». Elle a insisté sur le fait que son bureau conseille activement le Secrétaire général de l’ONU sur ce dossier et qu’il a publié des déclarations conjointes avec d’autres experts sur la situation à Gaza.

Position du Geneva International Centre for Justice

Le Geneva International Centre for Justice (GICJ) est profondément préoccupé par la poursuite des crimes d’atrocité à travers le monde et par l’échec persistant des mécanismes internationaux à répondre efficacement et impartialement. Le GICJ :

  • Exhorte à la reconnaissance et à l’enquête sur les allégations crédibles de génocide, notamment à Gaza, au Soudan et au Myanmar ;
  • Demande au Bureau des Nations Unies pour la prévention et la répression du génocide d’agir de manière cohérente et publique, conformément à son mandat ;
  • Soutient la régulation des plateformes numériques pour prévenir les discours de haine et l’incitation à la violence ;
  • Souligne la nécessité d’une ratification universelle et d’une application effective de la Convention pour la prévention et la répression du  génocide ;
  • Appelle à l’inclusion des génocides historiques, y compris les atrocités coloniales, dans le cadre plus large de la prévention internationale et de la justice réparatrice 

Prévenir le génocide est une obligation juridique et morale. Le silence sélectif, les actions tardives et l’impunité favorisent la répétition. Un cadre crédible de prévention doit être fondé sur la responsabilité, l’égalité et la protection inébranlable de la dignité humaine.

Lire l'article en anglais.

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