CDH58 : Dialogue interactif avec la Commission d’enquête sur la Syrie
58e session du Conseil des droits de l’homme
Du 24 février au 4 avril 2025
Dialogue interactif avec la Commission d’enquête internationale indépendante sur la République arabe syrienne
18 mars 2025
Traduit par Hind Raad Gathwan / GICJ
Résumé exécutif
Lors de la 58e session du Conseil des droits de l’homme, le dialogue interactif avec la Commission d’enquête internationale indépendante (CEII) sur la République arabe syrienne a marqué un tournant historique. Pour la première fois, la Commission a obtenu un accès au territoire syrien, à la suite de la chute du gouvernement Assad en décembre 2024. M. Paulo Sérgio Pinheiro, président de la Commission, a présenté un aperçu des graves violations des droits de l’homme commises au cours des quatorze dernières années, incluant la détention arbitraire, la torture, les exécutions extrajudiciaires, ainsi que la destruction systématique des infrastructures civiles. Il a mis en lumière les récentes visites de la Commission dans d’anciens centres de détention et sur des sites de fosses communes, réaffirmant que ces crimes pourraient constituer des crimes contre l’humanité. Le dernier rapport de la Commission, intitulé « Pillage et spoliation », a également été présenté. Il détaille l’appropriation massive et la destruction des biens appartenant aux réfugiés et aux personnes déplacées internes. Malgré la transition politique, M. Pinheiro a mis en garde contre les risques d’attaques de représailles, de nouveaux déplacements de populations et de résurgence de la violence.
Au cours du dialogue interactif, les délégués ont réitéré leurs critiques à l’encontre des crimes du régime précédent tout en saluant les avancées positives de la part des autorités intérimaires, telles que l’accueil de la Commission sur leur territoire et les efforts déployés pour garantir la protection des droits humains. Ils ont appelé les dirigeants syriens à assurer la reddition des comptes pour les crimes passés et présents et à renforcer la coopération internationale dans ce processus. Parallèlement, certains représentants ont exprimé leurs inquiétudes quant aux actes de violence commis sous l’administration actuelle, tandis que d’autres ont appelé les États imposant des sanctions à lever les mesures économiques restrictives pour permettre le développement de la Syrie.
Geneva International Centre for Justice (GICJ) soutient l’appel de la Commission en faveur d’un processus de justice transitionnelle global, fondé sur la vérité, la responsabilité et les réparations. Le GICJ appelle la communauté internationale à accorder la priorité aux mécanismes de justice, à la protection des personnes déplacées et au suivi de la situation des droits de l’homme en Syrie.
Contexte
Depuis 2011, la Syrie est plongée dans une guerre civile brutale marquée par de nombreuses violations du droit international humanitaire (DIH) et des droits humains. Le conflit a débuté par des manifestations pacifiques, violemment réprimées par le régime Assad. Au fil des années, la situation s’est transformée en un conflit complexe impliquant divers acteurs étatiques et non étatiques. Les civils ont subi de nombreuses violences : bombardements aveugles, attaques chimiques, sièges prolongés et déplacements massifs. Plus de 500 000 personnes ont été tuées, et plus de 13 millions de Syriens sont encore déplacés à l’intérieur du pays ou réfugiés à l’étranger.
Pour répondre à ces graves violations, le Conseil des droits de l’homme de l’ONU a créé en 2011 la Commission d’enquête internationale indépendante sur la République arabe syrienne. Son mandat consiste à enquêter sur les violations des droits humains, identifier les responsables et soutenir les efforts de justice et de reddition des comptes. Cependant, pendant plus de dix ans, le gouvernement syrien a refusé l’accès au pays à la Commission, la contraignant à s’appuyer sur des images satellites, des entretiens à distance et d’autres sources ouvertes.
En décembre 2024, à la suite de la chute du régime Assad et de la formation d’un gouvernement de transition, la Commission a enfin pu accéder au territoire syrien. Ce moment crucial a permis aux enquêteurs de visiter des sites clés, de rencontrer des survivants et de corroborer les preuves recueillies au fil des ans. Il a également ouvert la voie à un dialogue avec les nouvelles autorités sur la justice transitionnelle, la réforme juridique et la protection des sites de fosses communes.
Résumé du rapport de la CEII
M. Paulo Sérgio Pinheiro a présenté les conclusions les plus complètes à ce jour de la Commission, fruit de plus d’une décennie de documentation. Il a réitéré les constats antérieurs selon lesquels les forces gouvernementales syriennes sont responsables de violations généralisées et systématiques, incluant la détention arbitraire, les disparitions forcées, la torture, les violences sexuelles et les exécutions extrajudiciaires. L’accès récemment obtenu a permis à la Commission de réexaminer ces conclusions au travers d’enquêtes sur le terrain, notamment dans d’anciens centres de détention à Damas et dans la région rurale de Damas.
Le rapport met également l’accent sur la libération, en décembre 2024, de milliers de détenus politiques. Si cette mesure a été saluée, M. Pinheiro a souligné l’absence flagrante d’informations concernant les dizaines de milliers de personnes toujours portées disparues. De nombreuses familles attendent encore, après des années de plaidoyer, des nouvelles sur le sort de leurs proches. La Commission a insisté sur l’urgence d’un processus national de vérité et de responsabilité, soutenu par la communauté internationale et en coopération avec la nouvelle Institution indépendante sur les personnes disparues.
Un élément central du rapport est le document de conférence intitulé « Pillage et spoliation : appropriation illégale et destruction des biens des réfugiés et des déplacés internes en Syrie » (Pillage and Plunder). Ce document détaille la destruction systématique – souvent sanctionnée par l’État – des habitations civiles dans les zones anciennement contrôlées par l’opposition, même après la fin des opérations militaires. Les pillages et destructions ont été menés non seulement par les forces militaires officielles, mais aussi par des milices affiliées et des acteurs privés. Ces pratiques ont gravement compromis les conditions d’un retour sûr, volontaire et digne pour les Syriens déplacés.
La Commission a également exprimé sa vive inquiétude face à l’émergence de violences de représailles et de déplacements forcés dans des régions comme Lattaquié et Quneitra, avec des signalements de meurtres et de confiscations de biens visant des personnes associées à l’ancien régime. De tels développements soulignent l’urgence d’un cadre cohérent de justice transitionnelle garantissant la responsabilité, la prévention des cycles de vengeance et la restauration de la confiance du public.
La Commission a exhorté la communauté internationale à lever les obstacles à l’aide humanitaire – notamment les sanctions générales qui touchent les civils – tout en maintenant les mesures ciblées contre les personnes responsables de crimes graves. M. Pinheiro a conclu en affirmant que l’avenir de la Syrie doit reposer sur la justice, l’inclusivité et le respect des droits humains.
Dialogue interactif
Déclaration d’ouverture
M. Paulo Sérgio Pinheiro a ouvert le dialogue en soulignant un moment historique : la première intervention de la Commission depuis la chute du gouvernement Assad et l’obtention récente de l’accès au territoire syrien. Il a salué la coopération des nouvelles autorités et a partagé les conclusions issues des récentes visites dans d’anciens centres de détention, confirmant les schémas de longue date de torture, d’exécutions extrajudiciaires et de disparitions forcées.
Il a présenté le dernier rapport de la Commission, intitulé Pillage et spoliation, qui expose en détail la destruction massive et l’appropriation illégale des biens appartenant aux réfugiés et aux personnes déplacées. M. Pinheiro a mis en garde contre l’apparition d’attaques de représailles et de nouveaux déplacements dans des régions telles que Lattaquié et Quneitra, appelant la communauté internationale à soutenir un processus de justice transitionnelle global.
Il a insisté sur la nécessité de protéger les sites de fosses communes, de garantir des réparations aux victimes et de lever les sanctions qui entravent l’aide humanitaire, tout en maintenant la responsabilité pour les crimes passés. Il a conclu en exhortant les États à saisir cette opportunité pour soutenir la voie de la Syrie vers la justice et la réconciliation.
Déclaration du pays concerné
Le délégué de la République arabe syrienne a exprimé son ferme soutien au travail de la Commission d’enquête et a reconnu les souffrances causées par l’ancien régime. Il a salué l’accès accordé à la Commission et a réaffirmé l’engagement des autorités à coopérer avec les mécanismes internationaux en vue de garantir la justice.
Il a mis en avant la nouvelle déclaration constitutionnelle adoptée pour la phase de transition, laquelle consacre des droits fondamentaux tels que la liberté d’expression, les droits des femmes et la protection contre les disparitions forcées et la torture.
Le délégué a affirmé que la Syrie est désormais résolument engagée dans un processus de justice transitionnelle, avec la création d’un comité d’établissement des faits et de paix civile chargé de traiter les abus du passé. Il a souligné que la reddition des comptes s’appliquera à toutes les personnes ayant commis des crimes, quelle que soit leur affiliation.
Le gouvernement syrien a également appelé à la levée de toutes les sanctions, affirmant qu’elles entravent les efforts de reconstruction et l’assistance humanitaire. Enfin, le délégué a condamné les attaques israéliennes en cours, les qualifiant de violations de l’intégrité territoriale de la Syrie.
Positions d’autres pays et groupes régionaux
Le délégué de l’Union européenne (UE) a exprimé son plein soutien au travail de la Commission et a salué la coopération des autorités syriennes ainsi que l’accès total qui leur a été accordé. L’UE a souligné que l’inclusion des femmes et des enfants doit être au cœur de l’avenir de la Syrie.
Elle s’est dite profondément préoccupée par les violences généralisées rapportées au début du mois de mars et a appelé à ce que tous les responsables soient tenus pour compte. L’UE a exigé que la Commission d’enquête soit autorisée à enquêter sur toutes les violations, y compris celles qui dépassent le cadre de ses rapports actuels.
Le représentant de l’Arabie saoudite a souligné l’importance de la reconstruction de la Syrie afin de garantir la stabilité et la sécurité du pays. Il a salué la signature d’un accord visant à intégrer les institutions civiles et militaires dans le cadre des institutions étatiques.
La délégation a appelé à la levée des sanctions internationales, avertissant que leur maintien entraverait les efforts de reconstruction et ferait obstacle au retour des réfugiés. L’Arabie saoudite a également mis en avant ses contributions humanitaires, notamment par l’établissement de corridors aériens et terrestres pour acheminer l’aide.
Le représentant de la Suisse a exprimé une profonde inquiétude face à la violence croissante le long de la côte syrienne, qui a entraîné des pertes civiles. Il a condamné les graves violations des droits humains et a appelé à la réalisation d’enquêtes indépendantes pour poursuivre les responsables. La Suisse a salué la création d’une commission nationale d’enquête et a souligné la nécessité de l’implication de l’ONU dans ses travaux.
La délégation a insisté sur le fait qu’une solution politique inclusive est essentielle pour parvenir à une paix durable et à la dignité, appelant à la protection de toutes les minorités ethniques et religieuses. La Suisse a réitéré son soutien à l’Envoyé spécial de l’ONU et a demandé si la Commission avait engagé des discussions avec les autorités syriennes à la suite des incidents récents.
Le représentant de l’Allemagne a remercié la Commission d’enquête pour son travail de longue date et a souligné que la Commission, aux côtés d’autres mécanismes de l’ONU, joue un rôle essentiel dans le soutien à la transition fragile de la Syrie. L’Allemagne a salué l’engagement du gouvernement de transition avec la Commission d’enquête et a souligné la nécessité de coordination entre les mécanismes de responsabilité.
L’Allemagne a soutenu la transition politique menant à une Syrie pacifique et démocratique, incluant tous les citoyens, quelle que soit leur ethnie, leur religion ou leur genre. Elle a exprimé sa préoccupation face aux atrocités commises le long de la côte et a noté l’importance de la mise en œuvre responsable des garanties constitutionnelles, en particulier les dispositions relatives à la liberté d’expression et à la lutte contre la discrimination.
Le délégué du Canada a souligné que la paix durable nécessite la responsabilité pour toutes les violations des droits humains, qu’elles soient passées ou présentes. Le Canada a condamné les récentes atrocités sur la côte syrienne et a salué la création d’une commission d’enquête. Il a appelé à ce que les responsables soient tenus pour compte, quelle que soit leur affiliation.
Le Canada a également annoncé un financement supplémentaire d’un million de dollars pour la Syrie et a introduit une licence générale pour alléger temporairement les sanctions. La délégation a insisté sur le respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la Syrie.
Le représentant des Pays-Bas a souligné que la fin du régime Assad n’efface pas les crimes commis sous son règne. Il a affirmé qu’un cadre de justice transitionnelle durable est nécessaire pour assurer la stabilité politique à long terme.
Les Pays-Bas ont salué le récent rapport de la Commission d’enquête sur la détention et ont insisté sur l’importance de poursuivre son travail de documentation des violations. Ils ont mis en avant la nécessité de maintenir les efforts de responsabilisation et ont également salué la coopération avec les mécanismes de l’ONU, y compris le IIIM (Mécanisme international, impartial et indépendant).
Le délégué de l’Égypte a réaffirmé sa solidarité avec le peuple syrien durant cette phase historique et a soutenu un processus politique dirigé par les Syriens, visant à reconstruire les institutions nationales et à garantir les droits des citoyens. Il a souligné l’importance de la souveraineté, de l’indépendance et de l’intégrité territoriale de la Syrie, tout en plaidant pour une approche globale afin de mettre fin au conflit.
L’Égypte a également soutenu la mise en œuvre de la Résolution 2254 du Conseil de sécurité de l’ONU et a appelé à des mesures urgentes pour résoudre la crise humanitaire et renforcer les institutions nationales.
Le représentant de la Chine a réitéré son respect pour la souveraineté de la Syrie et son soutien à un processus politique dirigé par les Syriens. Il a exprimé sa préoccupation face aux récentes pertes humaines causées par des affrontements armés et a appelé à la protection des civils.
La Chine a exhorté tous les acteurs à poursuivre un plan national de reconstruction en conformité avec la volonté du peuple syrien. Elle a également appelé les nouvelles autorités à intensifier leurs efforts de lutte contre le terrorisme et à prendre des mesures concrètes pour combattre les organisations terroristes inscrites, tout en répondant aux préoccupations internationales, y compris celles de la Chine.
Le représentant du Royaume-Uni a salué l’accès historique de la Commission à la Syrie et la coopération offerte par les nouvelles autorités. Il a reconnu les souffrances infligées par le régime Assad et a souligné que la justice et la responsabilité sont essentielles pour la transition de la Syrie.
Le Royaume-Uni a condamné les récentes pertes civiles dans les régions côtières et a averti que d’autres atrocités doivent être évitées. Il a exprimé son soutien au travail de la Commission d’enquête pour la préservation des preuves et a demandé comment la communauté internationale pourrait contribuer à garantir que les sites sensibles soient protégés pour une responsabilité future.
Le délégué du Qatar a remercié la Commission pour son rapport et a salué sa visite en Syrie. Il a exprimé son soutien aux efforts visant à préserver les droits des Syriens et a appelé à la responsabilité pour toutes les violations.
Le Qatar a félicité la déclaration constitutionnelle pour avoir affirmé la séparation des pouvoirs et a espéré que cela marquerait le début d’un processus politique significatif. Il a exhorté toutes les parties à éviter toute action pouvant déstabiliser la transition et a salué l’accord visant à intégrer les institutions du nord-est dans la structure plus large de l’État syrien.
Le représentant de la France a salué le rapport de la Commission d’enquête et a réaffirmé son soutien aux mécanismes de responsabilité indépendants, y compris la nouvelle institution pour les personnes disparues. Il a exprimé son engagement en faveur d’une transition politique pacifique qui représente tous les secteurs de la société syrienne.
La France a condamné la récente violence sectaire et a appelé à des enquêtes indépendantes. Elle a souligné l’importance d’intégrer la Syrie dans son environnement régional et international, conformément à la Résolution 2254 du Conseil de sécurité de l’ONU.
Le délégué du Koweït a exprimé un fort soutien à la reconstruction et à la stabilisation politique de la Syrie, en mettant l’accent sur l’importance de reconstruire l’État de manière à garantir la sécurité, l’intégration institutionnelle et l’unité nationale. La délégation a salué le récent accord intégrant les institutions civiles et militaires dans les structures de l’État, le considérant comme un pas vers une gouvernance inclusive.
Le Koweït a appelé à la levée des sanctions internationales, affirmant que de telles mesures entravent la reconstruction et obstruent le retour des réfugiés. Le représentant a souligné la nécessité de maintenir un soutien humanitaire et économique continu, mettant en avant les contributions du Koweït, y compris l’organisation de corridors aériens et terrestres pour acheminer l’aide visant à soulager les souffrances du peuple syrien.
Le Koweït a réaffirmé son engagement à soutenir les efforts garantissant la stabilité, la prospérité et la réintégration complète de la Syrie dans les cadres régionaux et internationaux.
Le délégué de la Jordanie a exprimé sa préoccupation face à la violence renouvelée et aux déplacements en Syrie, réaffirmant son soutien de longue date à la souveraineté, à l’unité et à l’intégrité territoriale de la Syrie. La délégation a souligné l’importance d’une solution politique globale, dirigée et appartenant aux Syriens, pour mettre fin au conflit et reconstruire les institutions nationales.
La Jordanie a mis en avant l’impact humanitaire de la crise, y compris la pression exercée sur les pays hôtes voisins, et a appelé à des efforts internationaux renforcés pour répondre aux besoins humanitaires en cours. Elle a soutenu la mise en œuvre de la Résolution 2254 du Conseil de sécurité comme cadre pour la transition politique de la Syrie et a réaffirmé sa solidarité avec le peuple syrien dans sa quête d’un avenir fondé sur la liberté, la dignité et la justice.
Le délégué de la Turquie a condamné les politiques répressives de l’ancien régime syrien, en particulier l’exclusion des femmes de l’éducation et de l’emploi, qu’il a qualifiée de contradiction directe avec les valeurs islamiques. La délégation a exprimé sa préoccupation face à l’impact durable de ces violations sur la société syrienne et a souligné la nécessité pour les nouvelles autorités de revenir sur ces restrictions et d’établir un gouvernement pleinement inclusif qui reflète la diversité de la population syrienne.
La Turquie a également mis en avant l’importance de l’assistance humanitaire, appelant à un meilleur accès, en particulier pour les efforts d’aide dirigés par des femmes, qui demeurent essentiels dans le processus de récupération après le conflit. La délégation a insisté sur la nécessité de privilégier la responsabilité et la justice transitionnelle, et a souligné que la communauté internationale devait soutenir la stabilisation de la Syrie par un engagement coordonné fondé sur les droits.
Société civile et organisations non gouvernementales (ONG)
De nombreuses organisations de la société civile et ONG ont salué l’accès sans précédent de la Commission à la Syrie et ont réitéré l’urgence de rendre justice et d’assurer la responsabilité après des années de violations systématiques des droits humains. Elles ont souligné l’importance de traiter l’héritage des détentions arbitraires, des disparitions forcées et de la torture commises par l’ancien gouvernement.
Plusieurs ONG ont appelé à un soutien total à la nouvelle Institution indépendante pour les personnes disparues, mettant en lumière son rôle crucial pour faire la lumière sur le sort de dizaines de milliers de personnes portées disparues.
D’autres se sont concentrées sur la nécessité d’un processus de justice transitionnelle centré sur les survivants, appelant à l’inclusion des femmes, des familles de victimes et des communautés marginalisées dans les espaces de décision. La société civile a également insisté sur l’urgence de sécuriser et préserver les sites de fosses communes ainsi que les archives des centres de détention, afin d’éviter la perte de preuves essentielles.
Le rapport « Pillage et saccage » a été largement cité, avec des appels à donner la priorité à la restitution des biens et aux droits juridiques des réfugiés et des personnes déplacées internes. De nombreuses organisations ont exprimé leur inquiétude face au retour de cycles de violence et d’attaques de représailles, avertissant que sans réparation, une réconciliation véritable resterait hors de portée.
Dans l’ensemble, les ONG ont exhorté la communauté internationale à maintenir son soutien à la documentation des crimes, à poursuivre les auteurs en justice et à faire en sorte que l’avenir de la Syrie repose sur la justice, et non sur l’impunité.
Remarques de clôture
M. Hanny Megally, l’un des membres de la Commission d’enquête (COI), a prononcé la déclaration de clôture en soulignant la gravité persistante de la crise des droits humains en Syrie et l’héritage durable des abus commis sous l’ancien régime. Il a rappelé qu’en dépit du changement politique, il demeure essentiel de rechercher la vérité, la justice et la responsabilité.
M. Megally s’est félicité de l’accès sans précédent de la Commission au territoire syrien ainsi que de la volonté des nouvelles autorités à coopérer. Toutefois, il a averti que la véritable réconciliation doit être fondée sur une approche centrée sur les survivants et respectueuse des droits humains. Il a mis en avant plusieurs priorités clés, notamment :
- la protection et l’investigation des sites de fosses communes,
- l’urgence de faire la lumière sur le sort des personnes disparues,
- la préservation des preuves en vue de futures poursuites.
Il a souligné l’importance de lutter contre l’impunité et réaffirmé la nécessité d’un mécanisme de justice transitionnelle inclusif, impliquant toutes les composantes de la société syrienne, y compris les femmes, les familles des victimes et les minorités. Il a également condamné la résurgence des violences dans les régions côtières et insisté sur la nécessité d’enquêtes indépendantes pour assurer la responsabilisation des auteurs des atrocités récentes.
Il a conclu son intervention en appelant la communauté internationale à soutenir les efforts de justice. Il a affirmé qu’une paix et une reconstruction véritables ne sauraient être atteintes sans reconnaître le passé et répondre aux revendications légitimes des victimes.
Position du Geneva International Centre for Justice (GICJ)
Le Geneva International Centre for Justice (GICJ) se félicite de l’accès renouvelé de la Commission à la Syrie et salue ses efforts constants pour documenter les violations graves du droit international. Les conclusions présentées confirment les préoccupations de longue date exprimées par les survivants syriens et les défenseurs des droits humains.
GICJ se dit particulièrement alarmé par l’ampleur des détentions arbitraires, de la torture, et par le recours systématique aux disparitions forcées. Le traumatisme infligé aux détenus, aux survivants et à leurs familles risque de perdurer à travers les générations en l’absence d’un processus de justice véritable.
GICJ soutient fermement l’appel de la Commission à mettre en œuvre un cadre de justice transitionnelle complet et centré sur les survivants. Un tel processus doit inclure :
- la coopération internationale,
- des réparations aux victimes,
- la responsabilité pénale des auteurs,
- et des réformes institutionnelles.
La justice ne doit pas être sélective : tous les responsables doivent être poursuivis, quel que soit leur camp ou leur affiliation politique. Par ailleurs, les révélations contenues dans le rapport « Pillage et Saccage » soulignent l’urgence de protéger les droits fonciers et au logement des populations déplacées.
GICJ appelle le Conseil à demander à tous les États de :
- soutenir la création d’un mécanisme indépendant de vérité et de justice ;
- faciliter l’identification et la restitution des restes découverts dans les fosses communes ;
- fournir des soins de réhabilitation aux survivants, en particulier aux femmes et aux enfants ;
- maintenir les sanctions ciblées contre les auteurs de violations, tout en levant les sanctions générales qui nuisent aux civils.
Alors que la Syrie se tourne vers l’avenir, la communauté internationale doit rester fermement engagée en faveur de la justice, de la responsabilité et de la non-répétition des atrocités.