L’urgence de la santé reproductive à Gaza

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Traduit par Hind Raad Gathwan / GICJ

Introduction 

Le 17 janvier 2025, après la guerre à Gaza qui a restreint l’aide humanitaire et détruit des hôpitaux et des centres de santé, les autorités israéliennes et le Hamas ont convenu d’un cessez-le-feu en plusieurs phases. Malgré cette trêve, la santé reproductive des femmes à Gaza reste une préoccupation majeure, car la qualité des soins fournis par les rares établissements médicaux encore en activité a été gravement affectée par la crise humanitaire.

La guerre d'Israël a déclenché une crise sanitaire catastrophique, entraînant une augmentation des décès évitables, une propagation rapide des maladies et une hausse alarmante des maladies physiques et mentales. On estime que 177,000 femmes sont exposées à des risques de santé mortels, notamment en raison de maladies non transmissibles, de la faim et de la malnutrition pendant la grossesse (1). Celles qui restent sur place n’ont pas accès aux médicaments, aux ambulances, à l’électricité et à l’eau potable, rendant impossible même les traitements médicaux les plus basiques et vitaux.

Selon le Fonds des Nations unies pour la population, parmi les 155, 000 femmes enceintes et jeunes mères à Gaza, 15, 000 sont au bord de la famine. Parmi les personnes interrogées qui étaient récemment enceintes ou qui avaient une femme enceinte dans leur foyer, 99 % ont déclaré avoir du mal à obtenir des produits et des compléments nutritionnels, tandis que 78.4 % n’ont pas pu effectuer de tests pour évaluer leur état nutritionnel et de santé (2).

En janvier 2025, les soins obstétricaux et néonatals d’urgence ne sont disponibles que dans sept des 18 hôpitaux partiellement fonctionnels de Gaza, quatre des 11 hôpitaux de campagne et un seul centre de santé communautaire—contre 20 hôpitaux et de nombreux autres établissements de santé avant octobre 2023. Les femmes sont souvent expulsées des hôpitaux surchargés quelques heures après l’accouchement afin de libérer des lits pour d’autres patients, dont beaucoup sont des victimes de guerre. En plus des futures mères qui peinent à concevoir dans des conditions précaires, le personnel médical reste surchargé et épuisé, contraint de trier et de soigner un nombre toujours croissant de victimes des attaques en cours.

Manque de soins médicaux

Étant donné les dommages considérables subis par les infrastructures médicales et la grave pénurie de personnel, les soins de santé sexuelle et reproductive des femmes sont pratiquement inexistants. Les attaques contre les établissements de santé ont gravement perturbé les soins maternels, exposant les femmes à des complications potentiellement mortelles pendant la grossesse, l’accouchement et la période postnatale. Les médicaments essentiels pour les nouveau-nés sont rares, et de nombreuses femmes ont subi des césariennes sans anesthésie. La dégradation des services d’accouchement, de soins prénatals et postnatals a entraîné une augmentation des taux de mortalité maternelle, néonatale et des mortinaissances. Même après le cessez-le-feu, les femmes de Gaza continuent d’éprouver des difficultés à accéder en toute sécurité aux services de santé en raison des déplacements constants, les soi-disant « zones sûres » changeant régulièrement. Les fréquents ordres d’évacuation de l’armée israélienne ont encore fragmenté les réseaux communautaires, compliquant le suivi des grossesses et l’assistance aux familles par les soignants et les bénévoles.

Par ailleurs, l’accès limité à une eau potable et sûre constitue un défi majeur pour les femmes enceintes à Gaza. Beaucoup souffrent de déshydratation, certaines n’ayant accès qu’à une eau hautement salée, tandis que d’autres ont traversé toute leur grossesse sans pouvoir se laver. Le manque de nutrition adéquate, d’eau et de conditions sanitaires entraîne de graves conséquences sur la santé, en particulier pour les femmes enceintes, les jeunes filles et leurs enfants. Cette privation peut provoquer ou aggraver des affections telles que l’anémie, l’éclampsie, les hémorragies et la septicémie—toutes pouvant être fatales en l’absence de soins médicaux appropriés.

 

Risque de maladies

Afin de mieux comprendre les dynamiques de genre dans cette crise sanitaire, ONU Femmes a mené une enquête auprès de 600 personnes—305 femmes et 295 hommes—dans les cinq gouvernorats de Gaza entre mars et avril 2024, afin d’évaluer leur état de santé et leur bien-être. Douze entretiens avec des informateurs clés ont apporté des éclairages supplémentaires. Lorsqu’une mère meurt en couches, son nouveau-né court un risque considérablement accru d’hospitalisation ou de décès. Parmi les femmes enceintes interrogées, 68 % ont signalé des complications : 92 % ont souffert d’infections urinaires, 76 % d’anémie, 28 % de travail prématuré et 44 % de troubles hypertensifs. D’autres préoccupations incluaient des saignements (20 %), des hémorragies (16 %) et des mortinaissances (12 %).3

De plus, environ 177, 000 femmes sont confrontées à des risques de santé mortels, dont 162 000 qui souffrent ou risquent de développer des maladies non transmissibles (MNT) telles que le diabète, le cancer et des maladies cardiovasculaires ou hypertensives.

Selon Moez Doraid, Directeur régional d’ONU Femmes pour les États arabes :« Trop de femmes à Gaza risquent de mourir de complications médicales après des mois sans médicaments, avec un accès limité aux médecins et sans traitement pour des maladies graves comme le diabète ou le cancer. Il est impératif d’agir rapidement pour sauver des vies. Un cessez-le-feu immédiat et durable, la libération de tous les otages, l’acheminement d’une aide humanitaire sûre et sans entrave, ainsi qu’un accès aux médicaments et aux services de santé dans tout Gaza sont essentiels pour éviter une aggravation de la situation. »

Geneva International Centre for Justice (GICJ) salue les efforts des soignants à Gaza qui soutiennent la santé reproductive des femmes enceintes et des jeunes mères. GICJ encourage également l’aide médicale internationale pour venir en aide aux mères, que ce soit par la fourniture de matériel ou le déploiement de personnel soignant en provenance de pays développés.

Afin d’assurer un avenir plus sûr aux mères de Gaza, des services de santé mobiles doivent être mis en place au sein des communautés déplacées, permettant ainsi la détection précoce des problèmes de santé, l’accès aux traitements appropriés et les orientations nécessaires. Le GICJ soutient toutes les organisations dirigées par des femmes qui fournissent des services de santé sexuelle et reproductive à Gaza, en plaidant pour le maintien de leurs capacités opérationnelles et la pérennité de leurs services. Le GICJ s’efforce également de sensibiliser aux risques liés aux maladies transmissibles et non transmissibles en période post-partum, ainsi qu’aux moyens de les gérer.

Dans le contexte du cessez-le-feu, il est plus crucial que jamais de garantir un accès sécurisé aux soins de santé, ainsi qu’aux services de santé sexuelle et reproductive pour toutes les femmes et les jeunes filles.

 

[1] https://arabstates.unwomen.org/en/stories/press-release/2024/09/war-on-womens-health-in-gaza#:~:text=It%20is%20estimated%20that%20more,at%20the%20brink%20of%20famine.

[2] https://www.un.org/unispal/document/unfpa-sitrep-01nov2024/#:~:text=In%20October%202024%2C%20OCHA%20reported,outposts%20established%20since%20October%202023. 

[3] https://www.un.org/sexualviolenceinconflict/wp-content/uploads/2024/09/gender-alert-gaza-a-war-on-womens-health/gender-alert-gaza-a-war-on-womens-health-en.pd

[4]https://arabstates.unwomen.org/en/digital-library/publications/2024/09/gender-alert-gaza-a-war-on-womens-health 

L'image: GICJ

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